Publié le Vendredi 18 juillet 2025 à 18h00.

Racisme structurel : Loi Albertini, dernier visage de l’antinomadisme

Momentanément retirée des débats parlementaires, la dernière proposition de loi pour réformer l’accueil des gens du voyage illustre une nouvelle fois la puissance de l’antitziganisme au sein de l’appareil d’État et au-delà. Aujourd’hui encore, l’antinomadisme reste l’une des formes de racisme les plus intériorisées, banalisées et structurelles en France et dans le monde.

Dès les premières lignes, la rhétorique de Xavier Albertini (député Horizons) trahit la réalité de son projet : une politique « incitative, dissuasive et répressive ». Tout un programme pour cette nouvelle proposition de loi, temporairement retirée des discussions à l’Assemblée nationale, faute de consensus sur le texte. Le texte prévoyait notamment des expulsions simplifiées sur les terrains communaux dédiés ; des saisies de véhicule systématiques (y compris ceux transformés en habitation) ; de doubler le montant des amendes ; d’augmenter les peines ­d’emprisonnement pour occupation illicite.

Criminaliser l’existence nomade

Loin de chercher à répondre aux carences structurelles d’accueil, cette proposition de loi visait tout simplement à criminaliser de fait l’existence nomade en allant jusqu’à autoriser l’expulsion sur tous les terrains privés, y compris ceux appartenant aux nomades ou à des personnes acceptant de les accueillir. Pourtant, seulement 12 départements sur 95 respectent la loi Besson de 2000 qui oblige les villes de plus de 5 000 habitantEs à prévoir des « conditions de passage et de séjour des gens du voyage sur son territoire, par la réservation de terrains aménagés à cet effet ».

Cette proposition de loi s’inscrit dans une longue tradition de persécutions. Depuis la non-reconnaissance du génocide des populations nomades durant la Seconde Guerre mondiale jusqu’aux carnets anthropométriques (imposés jusqu’en 2017), en passant par tous les discours sécuritaires et racistes, les voyageurEs subissent la surveillance, l’exclusion et la criminalisation constante.

Lutter contre l’antinomadisme, un combat anticapitaliste

Cette proposition de loi ne tombe pas du ciel. Dans toute séquence politique où le fascisme s’intensifie, on voit resurgir les poncifs racistes véhiculés depuis des siècles contre les populations nomades. Les voyageurEs ne seraient pas des citoyenEs à part entière, mais une menace potentielle à contenir, à contrôler, à punir.

Les peuples nomades représentent environ 1,5 % de la population mondiale (120 millions de personnes) et pour l’ensemble de ces populations « les crimes commis en raison de leur race sont une expérience quotidienne », selon l’ONU. Il importe donc de construire une réflexion sur l’antinomadisme, ses causes et ses conséquences à travers le monde. 

Gitans, Manouches, Rroms, Sintis, Tziganes et Yéniches en Europe, Bédouins au Moyen-Orient, Mongols en Asie, Touaregs en Afrique du Nord et peuples autochtones d’Amérique, sont rejetéEs sur tous les continents. Ce rejet n’est ni nouveau ni isolé : il s’inscrit dans une logique de contrôle des territoires, des flux et des modes de vie non conformes aux normes sédentaires capitalistes.

Ce racisme particulier est l’héritage du colonialisme, des lois d’exception et des systèmes de ségrégation institutionnalisée. Lutter contre l’antinomadisme, c’est faire le lien entre l’antiracisme, les logiques d’État-nation et celles de propriété privée et d’ordre bourgeois. C’est un combat international, anticapitaliste et urgent.

Rackham