Menaces, rackets, agressions, tentative d’assassinat... Le climat délétère entretenu par l’ancien maire de Corbeil-Essonnes Serge Dassault est venu devant la cour d’assises, où un de ses hommes de main était jugé pour tentative d’assassinat en 2013, sur fond de soupçons d’achat de votes.
À la surprise générale tant la justice a été conciliante vis-à-vis du milliardaire, Younès Bounouara, qui se qualifiait de « soldat » de Dassault, a été condamné à quinze ans de prison ferme, trois ans de plus que les réquisitions de l’avocat général. La justice a la dent plus dure pour les petits soldats que pour les commanditaires. Cité à témoigner, l’avionneur n’a pas honoré sa convocation, invoquant « un voyage à l’étranger ».
Les faits en eux-mêmes semblent accablants. Lorsque le 19 février 2013, Bounouara a tiré au 357 Magnum sur la voiture conduite par Fatah Hou, l’intention d’homicide comme la préméditation semblent évidents.La victime, Fatah Hou, aujourd’hui handicapé à vie, était, elle aussi, un pion du système. En 2008, Fatah Hou a reçu « 2 000 euros en liquide » pour avoir convaincu une vingtaine de jeunes de voter Dassault. Il projetait d’ouvrir une société de sécurité : « Si tu ne rentres pas dans leur jeu, c’est impossible. » Cette année-là, Dassault ne l’emporte que d’une centaine de voix... Bruno Piriou (PCF) dépose alors un recours devant le Conseil d’État, cinq jeunes dont Fatah Hou attestant de tentatives d’achats de voix. L’élection est annulée en juin 2009, et Dassault condamné à un an d’inéligibilité.
Règlement de compte commandité
Puis, accompagné par un ancien braqueur, Fatah Hou se rend dans le bureau de Dassault. Muni d’une caméra cachée, il vient réclamer de l’argent. Quelques dizaines de milliers d’euros en guise de récompense pour avoir « prêté main-forte » lors de la campagne de Jean-Pierre Bechter, l’homme lige de Dassault qui lui a succédé à la mairie en 2010, un de ses employés… Le milliardaire refuse, affirmant qu’il a déjà versé 1,7 million d’euros à Younès Bounouara, chargé de redistribuer l’argent aux intermédiaires... Un mois plus tard, l’information se retrouve dans les pages du Canard enchaîné, provoquant la réaction de Bounouara et une première altercation avec Fatah Hou. Et trois semaines plus tard, Bounouara le blesse grièvement par balle.
Dans cette affaire à tiroirs, seuls des sous-fifres ont été entendus et jugés. L’avionneur, sénateur Les Républicains et propriétaire du Figaro, est bien évidemment le premier responsable et coupable, qu’il ait ou pas ordonné directement la tentative d’assassinat. Il doit être jugé le 4 juillet à Paris pour blanchiment de fraude fiscale et omission de déclaration de patrimoine par un parlementaire, au sujet des comptes non déclarés... qui ont alimenté les distributions de fonds à Corbeil-Essonnes. Enfin, l’affaire des achats de voix, en cours d’instruction depuis trois ans, va enfin être jugée. L’occasion pour le milliardaire de se retrouver côte à côte avec Bounouara sur le banc des prévenus. Mais pas sûr qu’ils soient traités à égalité…
Yvan Lemaitre