Les mobilisations témoignent d’une volonté de changement mais l’opposition est loin de représenter une alternative politique au service des populations.
Coutumier des cyclones, le Mozambique, pays lusophone d’Afrique australe, connaît une tout autre tempête. Celle de la mobilisation massive contre les fraudes électorales du scrutin du 9 octobre. Alors que les autorités ont proclamé la victoire de Daniel Chapo, le candidat du parti au pouvoir le Frelimo avec 71 % des voix, Venâncio Mondlane, le principal opposant crédité de 20 % des voix, conteste ces résultats.
Fraude et corruption
Le Frelimo est coutumier des fraudes électorales qui lui permettent de conserver le pouvoir depuis l’indépendance du pays en 1975. Mais aujourd’hui cela ne passe plus, et la contestation est massive pour deux raisons principales. Le niveau de fraude est sans précédent. Beaucoup d’observateurs ont témoigné de bourrage d’urnes, d’incohérence dans les chiffres aboutissant à des totaux d’électeurEs dépassant les 100 %. La communauté d’Afrique australe, la SADC, s’est refusée à entériner la victoire de Chapo. L’embarras est tel que la Cour constitutionnelle ne s’est toujours pas prononcée. La seconde raison est que les populations veulent un véritable changement. Le Frelimo au pouvoir, c’est une corruption de près de deux milliards de dollars qui a véritablement plombé la croissance économique du pays. De l’aveu même des autorités, les deux tiers des habitantEs sont sous le seuil de pauvreté. La politique de discrimination envers certaines communautés a favorisé la naissance d’une guérilla djihadiste dans la région de Cabo Delgado, mettant à l’arrêt l’énorme projet de production de gaz dans lequel TotalEnergies est impliqué.
Climat de répression
Venâncio Mondlane s’est proclamé vainqueur des élections et a appelé la population à lutter contre le « banditisme électoral ». Les manifestations ont été importantes et se sont déroulées dans la quasi-totalité des provinces du pays. Le pouvoir a répondu par une terrible répression. Les forces l’ordre ont tiré à balles réelles contre les manifestantEs. Les organisations de défense des droits humains estiment que 70 personnes ont perdu la vie. Les arrestations sont nombreuses. La police profite du quadrillage social du Frelimo pour arrêter et exécuter les leaders des mobilisations dans les quartiers. L’avocat et un proche collaborateur de Venâncio Mondlane ont été tués en pleine rue. Mondlane, qui s’était réfugié en Afrique du Sud, a affirmé être victime d’une tentative d’assassinat. Il vit aujourd’hui dans la clandestinité. La combativité populaire n’est pas assez forte pour balayer le régime mais elle l’est suffisamment pour empêcher une normalisation de la vie politique.
Une absence d’alternative
Une situation d’équilibre précaire qui pousse l’ensemble des partis à se coaliser dans un front large de l’opposition pour exiger la vérité des urnes à l’initiative de Mondlane. Ce n’est pas son premier combat contre les fraudes électorales. En 2023, il avait lutté contre l’inversion des résultats à ses dépens lorsqu’il était candidat à la mairie de Maputo. À cette époque, Mondlane représentait la Renamo, le principal parti d’opposition. Ce dernier lui a refusé l’investiture pour les présidentielles de 2024, il s’est alors tourné vers Podemos, un petit parti composé essentiellement d’anciens du Frelimo dont les deux candidats n’ont pu se présenter. C’est donc la rencontre d’un candidat cherchant un parti et d’un parti cherchant un candidat qui s’est opérée.
Le bras de fer de Mondlane contre la dictature du Frelimo ne doit pas faire oublier qu’il a chaleureusement félicité Donald Trump pour son élection, et il ne s’agit pas d’une simple manœuvre diplomatique tendant à faire de Washington un allié. Cet ancien pasteur évangéliste a exprimé son admiration pour Bolsonaro et a rencontré lors de sa visite au Portugal le parti d’extrême droite Chega.
Ce qui rend d’autant plus nécessaire une autonomie de la mobilisation vis-à-vis d’une opposition qui ne représente pas réellement une alternative.
Paul Martial