En octobre dernier, le journaliste indépendant Romain Molina, suivi une semaine plus tard par So Foot, révélait au grand public ce que les spécialistes connaissaient déjà : le système d’omerta mis en place depuis des dizaines d’années au sein de la Fédération française de football pour couvrir les méthodes employées pour gérer la plus grande association sportive de France (deux millions de licenciéEs). Révélations qui ont valu au journaliste comme à So Foot un dépôt de plainte pour diffamation.
Au menu, une liste interminable de violences, management toxique, harcèlement, sexisme, racisme et corruption, que seul un livre pourrait retracer de façon exhaustive.
Racisme, sexisme, corruption…
Des jeunes arbitres à qui on propose des promotions en échange de leur prostitution1. Du harcèlement, des agressions sexuelles et des viols sur des salariées et stagiaires2. Des déclarations racistes dignes des pubs Y’a bon Banania ou de chansons de Michel Sardou3. Le soutien au régime qatari à l’occasion de la Coupe du monde, assortie de l’interdiction absolue faite aux joueurs de l’équipe de France d’exprimer le moindre doute sur l’organisation de cette compétition (soutien bien monnayé par les lobbyistes de l’émirat).
S’y ajoute un management toxique jusqu’à l’extrême et des méthodes cyniques et indignes. La directrice générale, Florence Hardouin, a ainsi successivement couvert les agressions et harcèlements, encouragé les victimes à les dénoncer quand elle a souhaité mettre des bâtons dans les roues de ses rivaux et finalement licencié toutes les plaignantes au cours d’un plan social d’entreprise genré en 2019.
Pour le dire sans détour : des agissements dignes d’une véritable mafia, couverte par les différents gouvernements, dont la FFF est délégataire de service public. Avec des politiques, dont la ministre des Sports, qui ont beau jeu de se scandaliser aujourd’hui.
Aux suivants !
Le président de la FFF, Noël Le Graët, ancien maire de Guingamp et propriétaire du club de foot de la ville, qui vient d’être débarqué après 12 ans de règne digne d’un parrain sicilien, symbolise cet univers corporatiste, affairiste et très ancien monde, à l’heure où la prise de conscience sur les violences sexistes et sexuelles a fait de grands pas en avant.
Mais il ne faut pas se tromper : si personne ne regrettera cette crapule, c’est tout un système qu’il faut mettre à bas et refonder. D’abord le football amateur, et en particulier les clubs féminins, saigné et laissé à l’abandon par ces caciques : le président de la Ligue amateur parle ainsi de « ruissellement à l’envers »4, la FFF pillant les finances des petits clubs via le montant des licences et des amendes. Et au plus haut niveau professionnel, gangréné par le sponsoring, les droits télé, les salaires indécents, le règne des agents, les compétitions accordées contre corruption, et la coupure avec la société réelle.
Pour que le sport le plus populaire du monde cesse d’être l’otage des pires capitalistes et mafieux : qu’ils s’en aillent tous !
- 1. Voir par exemple Kévin Carrière, « "Chantage et harcèlement sexuel d’arbitres mineurs", Romain Molina attaque à nouveau la FFF », la Dépêche, 21 septembre 2022.
- 2. Voir par exemple Benjamin Jung, « FFF : 20 ans d’omerta sur les violences sexuelles », Blast-info.fr, 2 novembre 2022.
- 3. Interrogé en 2021 par So Foot sur le fait que la FFF ne prend pas de front la lutte contre le racisme, Noël Le Graët répond ainsi : « Attends, moi je suis chef d’entreprise, j’ai des salariés, jamais… Même ici, ma secrétaire, allez voir sa couleur de peau. Et le directeur que je viens d’embaucher, un Diallo. »
- 4. Adrien Schwyter, « Football : Le Graët également attaqué sur la redistribution du trésor de guerre de la FFF », challenges.fr, 17 janvier 2023.