On ne change pas une politique qui perd, c’est la leçon tirée par Valls et Hollande au lendemain de la claque des élections départementales qui a vu une cinglante défaite du PS. Le Medef, lui, se sent pousser des ailes et en profite pour repasser à l’offensive. Dans sa ligne de mire : le contrat de travail.
Garder le cap, approfondir et accélérer les réformes, « redoubler d’énergie avec comme priorité l’emploi, l’emploi, l’emploi », voilà le message de Valls au sortir des élections départementales. Il annonce ainsi clairement la poursuite de la politique menée depuis presque trois ans au profit du seul patronat.Les projets ne manquent pas pour nous raboter un maximum de droits et de protection, dans la suite logique de la loi Macron. C’est le sens du projet de loi sur le dialogue social de Rebsamen qui sera présenté à l’Assemblée ce 22 avril, mais également des projets en discussion sur le contrat de travail. Et s’ils étaient en manque d’inspiration, ils peuvent compter sur le Medef ou certains économistes, très inspirés... pour que les salariéEs aient de moins en moins de droits.
Libérer l’emploi... ou plutôt casser le contrat de travail ?Avec plus de 5 millions de chômeurs et une courbe qui s’obstine à être toujours plus élevée, l’emploi semble redevenu la priorité du gouvernement. Dans un entretien accordé à Challenges, Valls expose ses « vrais projets » : « Ceux qui pensent que nous allons freiner ou stopper les réformes se trompent. Nous allons les poursuivre en ouvrant de nouveaux chantiers », annonce le Premier ministre droit dans ses bottes. « Je veux ouvrir le chantier de l’emploi dans les PME. (...) Il faut traiter ce problème pour les petites entreprises en réformant le contrat de travail. »Il n’en fallait pas plus pour que Gattaz propose une réforme du CDI afin de « donner (…) principalement dans les TPE-PME (…) la visibilité et la sécurité nécessaires sur la rupture du contrat de travail ». Pour le patronat, l’enjeu est clair : verrouiller en aval les possibilités pour les salariéEs d’aller aux prud’hommes et d’obtenir réparation. Pour cela, le Medef propose d’introduire dans le contrat de travail une liste de « motifs incontestables de rupture », comme l’évolution du marché ou la baisse du chiffre d’affaires que l’employeur pourrait invoquer pour justifier le licenciement. Le salarié n’aurait donc plus la possibilité d’aller aux prud’hommes puisqu’il aurait signé ce contrat...
Medef et gouvernement : toujours plus, toujours plus loin !Le Medef n’est pas seul à vouloir « simplifier le contrat de travail », un collectif d’une quinzaine d’économistes – loin d’être atterrés – emmenés par Jean Tirole, a réclamé dans une tribune publiée récemment dans les Échos, un « Jobs Act à la française ».Ces économistes suggèrent de modifier la définition du licenciement économique, « pour que le juge apprécie sa légalité, non au regard de la situation économique de l’entreprise, mais en vérifiant simplement la réalité de la réorganisation engagée ». Autrement dit, l’employeur aurait les mains libres pour restructurer à condition de prouver… qu’il restructure ! Cela mérite bien un prix Nobel, non ?Bref, depuis quelques jours, les idées foisonnent non pas pour créer de l’emploi mais pour mettre fin au CDI. Le gouvernement ne sait plus où donner de la tête. Valls dit à la fois qu’il faut « lever le frein de la peur de l’embauche » et s’est senti obligé, avant la journée de grève et de manifestations du 9 avril, de rassurer, jurant que « la remise en cause du CDI n’est pas dans les projets du gouvernement ». Une formule qui ne veut pas dire grand-chose car comme pour les 35 heures, on peut vider le CDI de sa substance tout en gardant une belle étiquette. Comme à son habitude, Macron, lui, avait pris moins de pincettes en annonçant une loi Macron 2 où le nouveau contrat de travail réclamé par le patronat pourrait trouver sa place. Mais, après leur cinglante défaite aux départementales, le gouvernement doit ressouder sa majorité et est donc – pour l’instant – revenu sur le projet d’une loi Macron 2... Mais tout cela devrait être précisé en juin prochain. Attention danger !
Résister, s’affronter au pouvoir du MedefDepuis pratiquement trois ans, Hollande a fait du patronat son meilleur ami. Pas une semaine ne s’est passée sans que ce pseudo gouvernement « de gauche » ne donne des gages aux plus riches et détricote nos droits sociaux. Et c’est loin d’être terminé.À l’appel de la CGT, FO, Solidaires et la FSU, avec le soutien de la gauche politique opposée à ce gouvernement, la journée de grève et de manifestations du 9 avril est une première étape, après des mois de marasme social. On le sait, elle n’est pas suffisante pour arrêter l’offensive conjointe du gouvernement et du Medef, mais doit servir de point d’appui à la construction d’un mouvement large de résistance(s), et d’affrontement avec ce pouvoir. Il n’y a pas d’autres choix !
Sandra Demarcq