Publié le Mercredi 10 septembre 2025 à 09h00.

La matraque et le bâillon

«La prise en compte du statut des journalistes telle que consacrée par le schéma national du maintien de l’ordre ne trouve pas à s’appliquer dans un contexte de violences urbaines. » C’est avec ces quelques mots que Retailleau a signifié aux forces de l’ordre qu’il comptait enfoncer les derniers clous dans le cercueil de la presse libre.

Le Schéma national des violences urbaines (SNVU), pondu discrètement par le ministère de l’Intérieur le mois dernier à destination des forces de l’ordre, se veut le mode d’emploi des actions à mener avant, pendant et après les émeutes urbaines. Le mot d’ordre est clair : dehors, la presse !

Les violences urbaines sont définies comme « tout acte violent commis à force ouverte contre des biens, des personnes et/ou des symboles de l’autorité de l’État, par un groupe généralement jeune, structuré ou non, commis sur un territoire donné » — une description suffisamment vague pour pouvoir être invoquée dès lors que le pouvoir en place rencontre la moindre contestation.

Le texte entérine un cadre juridique d’exception : pas de sommations préalables ; l’usage de la force relève de l’agent sur le terrain ; l’usage des armes dites « de force intermédiaire » (taser, LBD et grenade de désencerclement) est élargi ; les garanties spécifiques aux journalistes disparaissent.

En supprimant la prise en compte du statut des journalistes, Retailleau retire les droits concrets qui permettent la documentation, comme le fait d’utiliser un équipement de protection, de sortir d’une nasse avec la carte de presse, de ne pas être interpellé ou tout simplement de conserver son matériel. Empêcher les journalistes de travailler, c’est invisibiliser les violences et prendre le contrôle du récit médiatique (déjà bien aux mains de la bourgeoisie).

Retailleau prépare une nouvelle fois le terrain au fascisme. Refusons ce huis clos. Exigeons le retrait de cette circulaire, soutenons les recours syndicaux, et imposons, par la mobilisation populaire, que les journalistes puissent travailler, sans entraves ni matraques.