Publié le Samedi 11 octobre 2025 à 18h00.

La théorie du fascisme chez Trosky

Par cette version abrégée de l’introduction de Mandel à Comment vaincre le fascisme, on peut identifier aisément les caractéristiques du « cycle » fasciste mis au jour par l’auteur. 

La théorie du fascisme de Trotsky se présente comme un tout à six éléments ; chaque élément est pourvu d’une certaine autonomie et connaît une évolution déterminée sur la base de ses contradictions internes ; mais ils ne peuvent être compris qu’en tant que totalité close et dynamique, et seule leur interdépendance peut expliquer la montée, la victoire et le déclin de la dictature fasciste.

 

a)

 La montée du fascisme est l’expression de la grave crise sociale du capitalisme de l’âge mûr, d’une crise structurelle, qui, comme dans les années 1929-1933, peut coïncider avec une crise économique classique de surproduction, mais qui dépasse largement une telle oscillation de la conjoncture. [...]

 

b)

 Dans les conditions de l’impérialisme et du mouvement ouvrier contemporain, historiquement développé, la domination politique de la bourgeoisie s’exerce le plus avantageusement — c’est-à-dire avec les coûts les plus réduits — au moyen de la démocratie parlementaire bourgeoise […] Cette forme de la domination de la grande bourgeoisie — en aucun cas la seule, du point de vue historique — est toutefois déterminée par un équilibre très instable des rapports de forces économiques et sociaux. Que cet équilibre vienne à être détruit par le développement objectif, et il ne reste plus alors à la grande bourgeoisie qu’une seule issue : essayer, au prix du renoncement à l’exercice direct du pouvoir politique, de mettre en place une forme supérieure de centralisation du pouvoir exécutif pour la réalisation de ses intérêts historiques. [...]

 

c)

 Dans les conditions du capitalisme industriel monopoliste contemporain, une aussi forte centralisation du pouvoir d’État, qui implique de plus la destruction de la plus grande partie des conquêtes du mouvement ouvrier contemporain (en particulier, de tous les « germes de démocratie prolétarienne dans le cadre de la démocratie bourgeoise », comme Trotsky désigne à juste titre les organisations du mouvement ouvrier) est pratiquement irréalisable par des moyens purement techniques, étant donné l’énorme disproportion numérique entre les salariés et les détenteurs du grand capital.

 

d)

 Un tel mouvement de masse ne peut surgir qu’au sein de la troisième classe de la société, la petite bourgeoisie, qui, dans la société capitaliste, existe à côté du prolétariat et de la bourgeoisie. Quand la petite bourgeoisie est touchée si durement par la crise structurelle du capitalisme de l’âge mûr, qu’elle sombre dans le désespoir (inflation, faillite des petits entrepreneurs, chômage massif des diplômés, des techniciens et des employés supérieurs, etc.), c’est alors qu’au moins dans une partie de cette classe, surgit un mouvement typiquement petit bourgeois. [...] Dès que ce mouvement, qui se recrute essentiellement parmi les éléments déclassés de la petite bourgeoisie, a recours à des violences physiques ouvertes contre les salariés, leurs actions et leurs organisations, un mouvement fasciste est né. [...]

 

e)

 La décimation et l’écrasement préalables du mouvement ouvrier, qui, lorsque la dictature fasciste veut remplir son rôle historique, sont indispensables, ne sont toutefois possibles que si, dans la période précédant la prise du pouvoir, le plateau de la balance penche de façon décisive en faveur des bandes fascistes et en défaveur des ouvriers. [...]

 

f)

 [...] Si le mouvement ouvrier est vaincu et si les conditions de reproduction du capital à l’intérieur du pays se sont modifiées dans un sens qui est fondamentalement favorable à la grande bourgeoisie, son intérêt politique se confond avec la nécessité d’un changement identique au niveau du marché mondial. La banqueroute menaçante de l’État y pousse également. La politique de quitte ou double du fascisme est reportée au niveau de la sphère financière, attise une inflation permanente, et, finalement, ne laisse pas d’autre issue que l’aventure militaire à l’extérieur. [...]