Les dernières séquences électorales ont percuté Jean-Luc Mélenchon. Loin de passer devant le PS comme il le prétendait, le Front de gauche n’a obtenu qu’un peu plus de 6 %. Un échec qui est aussi le bilan d’une politique qui n’a pas voulu clarifier la question de l’indépendance vis-à-vis du PS...
Lorsque le PCF s’est allié au PS aux dernières élections municipales, le Front de gauche a explosé, et ce n’est pas la recherche d’alliance avec les Verts qui pouvait constituer une alternative à la politique du gouvernement. Là aussi échec. Du coup, la formule initiale du Front de gauche est « caduque ».Mélenchon déclare aujourd’hui qu’« il ne veut plus rassembler la gauche mais le peuple », et se référant à l’expérience de Podemos dans l’État espagnol, il prend du champ, se situe au-delà des partis… et lance un nouveau projet : un « Mouvement pour la VIe République ».
Incarner le neuf ?On ne peut saisir la dynamique de Podemos, une des expériences les plus intéressantes en Europe, sans prendre en compte les principaux traits de la situation espagnole : crise du régime de la transition postfranquiste, questions nationales avec une crise aiguë en Catalogne, résistances impressionnantes contre la brutalité des plans d’austérité, mouvement des Indignés, succession de grèves nationales, « marées » de mobilisation dans la santé et l’éducation... Podemos est apparu comme l’expression politique de ces mouvements, avec des personnalités nouvelles comme Pablo Iglesias, incarnant ces mouvements en rupture avec le jeu politique traditionnel.Il y a une idée juste dans l’approche de Mélenchon : viser l’émergence d’un mouvement en rupture avec la vieille gauche traditionnelle. Mais est-il le mieux placé pour incarner le renouveau, lui l’ancien ministre, le représentant d’un Front de gauche marqué par les choix du PCF dans l’alliance avec le Parti socialiste ?Plus substantiellement, Podemos est l’expression d’un mouvement de masse qui n’a pas encore marqué la conjoncture française, ce que ne comprend pas Mélenchon qui ne retient de Podemos que l’expression de fortes personnalités et des références au modèle nationaliste révolutionnaire sud-américain, comme celui du Chavisme au Venezuela. Or, une chose est le rôle progressiste que Chavez a eu contre l’impérialisme américain, autre chose est le modèle politique et socio-économique qui s’inscrit dans la longue tradition du caudillisme latino américain et d’un capitalisme d’État basé sur la rente pétrolière. Nous ne croyons pas que ce type de modèle puisse être une réponse aux défis de la crise en Europe en ce début du 21e siècle.
Démocratie et indépendanceAussi lorsqu’il prétend lancer un « Mouvement pour la VIe République », loin de s’appuyer sur des éléments de préparation d’un processus constituant en partant d’en bas, d’un vrai mouvement populaire, il le présente comme le support d’une candidature à la présidentielle, donnant à sa démarche des allures « bonapartistes », au-dessus des partis. Sur le contenu, Mélenchon reste toujours évasif sur la suppression ou pas de l’élection du président de la République au suffrage universel. Ses inspirations chavistes ne sont pas faites pour mettre en œuvre un projet de démocratie réelle.Enfin, après avoir sous-estimé la nécessité du débat avec le PCF sur les rapports au PS, et après avoir eu, lui-même, des postures plus qu’ambiguës sur le fait de prétendre rassembler la majorité de gauche pour être Premier ministre de Hollande, Mélenchon défend maintenant une logique de contournement du mouvement ouvrier et de ce qui reste de la gauche.Nous rejetons toutes les formules d’union de la gauche avec un PS devenu parti néolibéral, mais nous ne pensons pas qu’on puisse rassembler sans les syndicats , associations, courants, qui, à gauche, s’opposent au gouvernement, où alors dans des situations de forte activité des masses.Des initiatives comme le 12 avril en témoignent. L’unité des salariéEs et de leurs organisations ou leur auto-organisation exige une politique d’indépendance vis-à-vis de l’État et de ses institutions. Une question que Mélenchon, défenseur d’une République qui fusionne État et Nation, ne pose toujours pas.
François Sabado