Rien n’arrête Mélenchon, même pas Hamon ? Mais pour aller où ? Depuis les débuts de sa campagne, Mélenchon et sa France insoumise ont décidé de rompre avec la campagne menée avec le PCF en 2012 autour de « l’Humain d’abord », tant sur la forme que sur le fond.
Sur la forme, passons sur le fait qu’il s’était autoproclamé au 20 heures de TF1 comme le candidat « du peuple français », au-dessus des partis mais avec des allures « bonapartistes ». Et ne nous attardons pas plus sur l’abandon des symboles du mouvement ouvrier, comme celui de la couleur rouge dans ses meetings ou son matériel de campagne ou plus substantiellement de l’Internationale à la fin de ses meetings...
Ce qui marquera sans aucun doute, c’est sa campagne 2.0 qui rencontre un certain succès. Ainsi, il a créé sa propre chaîne Youtube qui fait un tabac avec des centaines de milliers d’abonnés. Toutes les semaines, il y fait de longues interventions pour commenter l’actualité et défendre son programme « l’avenir en commun ». Cela lui permet habilement de toucher plus de monde qu’une campagne « traditionnelle »... mais aussi de ne plus s’embarrasser de journalistes et de contradicteurs, qu’il n’hésite pas à insulter quand ils ne vont pas dans son sens.
Cela sans oublier non plus ses coups de com’, tel son meeting en « hologramme » et plus récemment une émission TV de plus de cinq heures diffusée sur Internet pour présenter le chiffrage de son programme. Mais cette vaste opération de communication politique ne doit pas faire masquer le fond de son programme. Là où le bât blesse...
De quoi l’insoumission est-elle le nom ?
Il est vrai que Mélenchon rend compte de la destruction du lien social par le néolibéralisme appliqué par les gouvernements successifs et arrive à exprimer la défiance de plus en plus grande de ceux d’en bas vis-à-vis des institutions. Et face à ce constat, il affirme vouloir « mettre au pas la finance », proposant donc de séparer les banques d’affaires et de détail, de contrôler les mouvements de capitaux, d’instaurer une taxe « réelle » sur les transactions financières, de moduler l’impôt sur les sociétés qui investissent en France.
Il met aussi en avant certaines propositions, dont nous débattons également, comme le partage des richesses, les moyens accordés à l’éducation, le sport, la santé, la sortie du tout-marchand, la planification écologique incluant la création d’emplois et des réorientations de la production... Mais tout cela sans jamais aucune incursion dans la propriété privée !
Et logiquement, en bon défenseur d’une République qui fusionne État et nation, il ne propose pas une rupture profonde avec ce système, se réfugiant derrière la perspective d’une constituante sans avancer de mesure répondant par exemple à la crise politique actuelle illustrée par l’affaire Fillon.
Mais peut-être que l’essentiel reste que Mélenchon ne fait plus référence à la lutte des classes, pensant ainsi s’adresser à l’ensemble du « peuple français ». Dans une imitation de Podemos, il stigmatise « la caste oligarchique et son personnel politique »... oubliant ainsi que lui-même occupe depuis des dizaines d’années des mandats politiques sans discontinuer.
Tout cela sans oublier les désaccords les plus saillants que nous pouvons avoir avec ses conceptions protectionnistes (même qualifiées de « solidaire ») et son esprit national, avec la pincée de chauvinisme qui l’amène à des glissements successifs, par exemple sur la question de l’accueil des migrantEs...
Alors certes, Mélenchon n’est pas notre adversaire, mais il développe une campagne éloignée de la nôtre, pour une gauche anticapitaliste et internationaliste.
Sandra Demarcq