Notre résultat, 411 183 voix soit 1,15 % des suffrages, est faible. Nous savions bien que la sympathie que Philippe Poutou avait suscitée, l’écho rencontré, auraient du mal à se transformer en vote. L’enjeu de ces élections était dominé par la volonté de sanctionner et d’éliminer Sarkozy, le débat est resté enfermé dans l’affrontement droite-gauche sans que le monde du travail, les classes populaires n’arrivent à imposer les vraies questions, celles de l’urgence sociale et des réponses à la crise. Le vote utile a fonctionné pleinement.
Ce score faible ne mesure pas l’impact réel de notre campagne ni son importance pour la suite.
L’ouvrier candidat, l’inconnu, a réussi à se faire entendre, à bousculer les routines politicienne et médiatique, à faire entendre nos idées, à gagner une large sympathie. C’est l’aboutissement d’une longue bataille politique pour faire entendre dans cette cacophonie électorale la voix du monde du travail, une voix anticapitaliste. Après avoir réussi notre premier tour, la collecte des 500 parrainages, Philippe a réussi à s’imposer dans le débat, à « crever l’écran » comme l’écrivait le Monde. La sympathie rencontrée, suscitée, ne s’est pas exprimée par le vote dans un scrutin dominé par les enjeux institutionnels, mais ce qui a été semé au long de ces mois de campagne portera ses fruits. Cette bataille a commencé dès la conférence nationale de juin dernier qui désigna, à une faible majorité, Philippe. L’ouvrier candidat, comme il se définit alors lui-même, était le mieux à même de dénoncer, face au monde des politiciens professionnels, les conséquences de la crise pour le monde du travail mais aussi le mieux à même de rassembler l’ensemble des camarades pour populariser, défendre nos réponses à la crise dans cette campagne. Son expérience de militant ouvrier et syndical, son passé politique, lui ont permis de faire face à une situation difficile. L’été pour se faire connaître de l’ensemble des camarades comme de l’extérieur, puis le long parcours du combattant, une première étape pour affirmer la légitimité de sa candidature, un début de crédibilité gagnée lors de l’émission « Mots croisés » au moment où dans le pays les luttes et résistances des salariés posaient la question des licenciements, les 570 signatures, « notre premier tour » réussi, Philippe enfin candidat, commençait la campagne en vrai. La ténacité, le courage, la modestie de Philippe devenaient un atout face à l’arrogance des politiciens professionnels. Ceux qui avaient cru pouvoir le traiter de haut devaient en rabattre pour s’étonner devant « l’effet Poutou ». Le mépris social cédait la place à la condescendance, mais Philippe et touTEs les militantEs du NPA engagéEs dans la bataille réussirent à relever notre défi : défendre les intérêts des travailleurs et des classes populaires, nos réponses à la crise, mener le débat, avoir une attitude démocratique, susciter les initiatives, faire confiance, associer toutes les énergies et les volontés...
C’est cette démarche qui nous a permis de franchir toutes les étapes pour réussir à nous imposer.
Cette bataille marque une étape importante. Alors que les résultats de Nathalie Arthaud soulignent les difficultés de Lutte ouvrière enfermée dans sa logique d’auto-affirmation, alors que la dynamique enclenchée par Jean-Luc Mélenchon autour du Front de Gauche ne peut surmonter par elle-même ses contradictions, notre modeste succès constitue un point d’appui pour à la fois continuer le travail engagé de regroupement des anticapitalistes et des révolutionnaires mais aussi œuvrer à la constitution d’un front contre l’austérité de droite ou de gauche, à l’unité du monde du travail.
Yvan Lemaitre