Le jeudi 21 juillet, pour la troisième fois, le gouvernement a fait usage du 49.3, après cinq mois de mobilisation et alors que sa loi est toujours rejetée par 70 % de la population.
Le passage en lecture définitive à l’Assemblée nationale n’aura pas duré plus de dix minutes. En présentation de la séance, Valls n’a pas manqué d’exploiter le vote quasi unanime – seulement 26 contre – du 19 juillet approuvant la prolongation de l’état d’urgence pour faire état de « l’unité indispensable » qui, a-t-il ajouté, « ne revient pas à faire taire le débat démocratique ». La démocratie, pour Valls, c’est le coup de force permanent, violences policières contre les manifestants, 49-3 à l’Assemblée.
L’usage de celui-ci à trois reprises, le 10 mai, les 5 et le 21 juillet, a fait qu’au bout du compte aucun débat n’aura eu lieu au Parlement ni sur la loi ni sur aucun de ses articles. Cela montre que le gouvernement est plus isolé que jamais.
Régression sociale
La loi représente en elle-même un recul considérable pour les droits des travailleurs. Les patrons auront désormais la possibilité de décider par accord d’entreprise de l’organisation du temps de travail. Le temps de travail hebdomadaire reste légalement de 35 heures, mais il pourra passer à 46 heures – contre 44 heures aujourd’hui – pendant 12 semaines. Un accord pourra aussi décider du seuil de déclenchement des heures supplémentaires et de la majoration de leur taux qui pourra être abaissé jusqu’à 10 %. Le temps de travail pourra être calculé sur trois ans, contre un an aujourd’hui.
La loi facilite les licenciements dans les PME jusqu’à 300 salariés. Si le gouvernement a reculé sur le plafonnement des indemnités de licenciement que peuvent accorder les prud’hommes, la loi permet de licencier pour des « raisons économiques » en cas de baisse des commandes ou du chiffre d’affaires : pendant 4 trimestres consécutifs pour les entreprises de 50 à 300 salariés, 3 trimestres consécutifs pour celles de 50 à 300, 2 pour celles de 11 à 50 et 1 pour celles de moins de 11 salariés.
Enfin, elle permet aux patrons de faire adopter des « accords offensifs » sous couvert de « préserver ou développer l’emploi ». Ils pourront ainsi diminuer ou supprimer complètement des primes. Les salariés qui refuseraient s’exposeront à un licenciement pour « motif spécifique », avec la procédure d’un licenciement individuel pour motif économique mais sans les mesures de reclassement.
Il faut ajouter aussi, entre autres, la suppression de la visite médicale obligatoire avant embauche qui est un pas de plus vers la disparition de la médecine du travail. La loi, en outre, contient un prolongement lourd d’autres reculs puisqu’elle acte la mise en place d’une commission pour refonder – c’est-à-dire détruire – le Code du travail.
Préparer l’affrontement avec le gouvernement
Dans bien des entreprises, des accords locaux comme à PSA imposent déjà aux salariés des conditions d’horaires et de salaires comparables. Ils seront désormais généralisés. Les attaques vont se multiplier et des résistances se produire. L’enjeu de ces dernières n’est pas seulement local, elles s’inscrivent dans la construction d’un mouvement d’ensemble, d’une grève générale qui puisse imposer un autre rapport de forces et permettre de gagner.
Tout ce que le mouvement a réussi à faire pendant ces cinq mois a été gagné par la mobilisation de la jeunesse, puis de certains secteurs, et par la pression des salariés et des militants à la base sur les directions de leurs syndicats.
La loi a été adoptée mais la rue peut encore la défaire. À condition de s’en donner les moyens, c’est-à-dire de préparer consciemment l’affrontement avec le gouvernement, en sachant qu’il est clairement au service du Medef et que le dialogue prétendument social est tout autant qu’avec Sarkozy un jeu de dupes.
Le gouvernement compte publier très rapidement les décrets d’application de la loi. Mais la lutte continue. Pendant tout l’été, la contestation s’invite un peu partout, et l’intersyndicale a programmé une nouvelle journée de mobilisation le jeudi 15 septembre.
Galia Trépère