Éric Zemmour, journaliste multimédias1, a créé la polémique sur Canal+, le 6 mars dernier. Ses propos alimentent les préjugés xénophobes et justifient les contrôles au faciès2. L’autoproclamé pourfendeur du « politiquement correct » donne un nouveau prétexte à la presse extrémiste pour s’attaquer aux lois antiracistes. Eric Zemmour est un antilibéral-conservateur, antiféministe et opposant à « l’idéologie gay »3. Opposé à l’immigration, il prône l’assimilation face au « tsunami démographique »4 et se reconnaît dans les propos d’un De Gaulle lorsqu’il parle des Français comme d’« un peuple européen de race blanche, de culture grecque et latine, et de religion chrétienne »5. Déjà sur Arte, le 23 novembre 2008, il affirmait que Noirs et Blancs appartiennent à deux races différentes et que cette différence est faite par la couleur de la peau6, sans pour autant les hiérarchiser. Il dit pouvoir « facilement défendre la peine de mort »7 et affirme que « la discrimination, c’est la vie » car « la vie est injuste »8. Comme Alain Finkielkraut, il pense que l’antiracisme est le totalitarisme du xxie siècle. Confronté à ce que l’on ne peut appeler un dérapage, Étienne Mougeotte, directeur de la rédaction du Figaro, annonçait, le 22 mars, qu’Éric Zemmour serait convoqué à un entretien préalable de licenciement. Finalement, l’ancien vice-président du groupe TF1 s’est ravisé sous la pression de la Société des journalistes du Figaro9. Ce renoncement a permis de ne pas donner crédit à la posture victimaire que se construit Zemmour10 : « Il y a aujourd’hui en France une ambiance maccarthyste qui réclame ‘l’interdiction professionnelle’ comme exutoire des dérapages. C’est ma mort sociale qui est réclamée. » L’hebdomadaire Valeurs actuelles (ultralibéral) et le journal d’extrême droite Minute détournent le débat et dénoncent les atteintes à la liberté de la presse et à la liberté d’expression.En une, Valeurs actuelles s’interroge : « Peut-on encore débattre en France ? Ce que révèle l’affaire Zemmour ». Le magazine donne des éléments de réponse en page 10 : en exergue de l’article du journaliste Éric Branca, une frise pointe les lois antiracistes Pleven et Gayssot et l’existence de la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité (Halde)11 comme frein à la liberté d’expression. Pour sa part, Minute donne la parole à son directeur, Jean-Marie Molitor, sur le thème « Journalisme et liberté sont devenus des termes antagonistes » et deux autres pages « font la peau » à Étienne Mougeotte.Pendant ce temps, l’hebdomadaire nationaliste Rivarol « tente de faire déclarer inconstitutionnelle la loi Gayssot ».12 Au lendemain des régionales, sur fond de crise du sarkozysme, les « droites décomplexées » passent à l’offensive idéologique.Gabriel Gérard1. I-Télé, France 2, Le Figaro Magazine, la chaîne Histoire, France Ô, RTL. 2. Sur le fond de « l’affaire », lire l’article de Laurent Mucchielli « Zemmour banalise le racisme » dans l’Humanité du 2 avril 2010. 3. Voir son interview dans la revue identitaire Réfléchir&Agir, n°26, été 2007.4. Interview au mensuel d’extrême droite Le choc du mois, n°27, novembre 2008.5. Extrait de C’était De Gaulle, par Alain Peyrefitte, éditions de Fallois/Fayard, 1994 in Le Choc du mois, n°27, novembre 2008. 6. Sur le colorisme, voir la contribution de Pap Ndiaye dans De la question sociale à la question raciale, dir. Éric et Didier Fassin, La Découverte, 2006.7. Le Monde, 1er avril 2010.8. Le Monde, 1er avril 2010. 9. Quelques dizaines de « Zemmouriens » se sont rassemblés le 25 mars 2010, devant le siège du Figaro.10. Lettre du 23 mars 2010 d’Éric Zemmour à la Licra.11. Au passage, Valeurs actuelles fait écho aux récents propos du patron des sénateurs UMP, Gérard Longuet, sur une présidence de la Halde issue du « corps traditionnel français ». 12. Rivarol, n°2946.