Très divers, tant dans leurs formes d’action que dans leurs projets politiques, les acteurEs de la résistance antifasciste française sont parvenus à unir leurs forces, le PCF ayant accepté de reconnaître le leadership de la bourgeoisie française, en appliquant la politique stalinienne de construction de fronts nationaux.
La construction de la résistance française se fit par la réunion de courants d’une grande hétérogénéité. Pour une part, les premiers groupes de résistantEs étaient issus de la bourgeoisie impérialiste, dont une partie, à l’image de De Gaulle, avait fait le choix de poursuivre la guerre contre l’Allemagne, en s’appuyant sur l’empire colonial. Après être parvenus à rallier l’administration coloniale de l’Afrique équatoriale française, les gaullistes purent ainsi lever des dizaines de milliers de tirailleurs coloniaux, permettant de construire les Forces françaises libres (FFL), une armée qui participa aux côtés des Anglais aux combats menés contre l’Allemagne en Afrique du Nord.
La diversité de la résistance française
La mise en place de ces FFL permit à de Gaulle de se poser en leader de la résistance et d’unifier les nombreux réseaux qui s’étaient spontanément constitués dès 1940, en particulier dans la zone libre. Certains d’entre eux étaient de tendance démocrate-chrétienne, à l’exemple de celui créé autour du journal clandestin Franc-Tireur en région Rhône-Alpes. Plus à droite, un autre réseau se mit en place autour du journal Combat qui parvint à se développer dans toute la France méridionale. Plus à gauche, un autre réseau s’était développé autour du journal Libération, que dirigeait Emmanuel d’Astier de la Vigerie. L’ensemble de ces groupes qui, au-delà de leur activité propagandiste, s’attachaient à constituer une force militaire, acceptèrent en 1942 de fusionner leurs forces au sein de l’Armée secrète (AS), qui fut placée sous le commandement de De Gaulle.
Ces réseaux, qui s’étaient constitués autour des différentes tendances de la bourgeoisie républicaine, n’avaient pas le poids du PCF. Interdit depuis septembre 1939, le PC était parvenu à construire une puissante organisation clandestine, qui organisait une fraction importante de la classe ouvrière et aussi de la paysannerie. Après avoir au départ mené un travail essentiellement propagandiste, le PCF s’engagea dans la construction d’une véritable armée au lendemain de l’agression allemande de l’URSS, en juin 1941. Dès l’automne 1941, le PC disposait d’une milice bien organisée, dont les unités étaient regroupées au sein des Francs-tireurs et partisans (FTP).
Unification et militarisation de la résistance
Dans la logique de la politique de construction de « fronts nationaux », qui avait amené Staline à demander aux PC de s’unir avec les partis bourgeois contre les fascistes, la direction du PCF répondit à la proposition gaulliste d’unifier les organisations de résistance. Acceptant de placer leurs unités combattantes sous la direction de la bourgeoisie, le PCF rejoignit en 1943 le nouveau Conseil national de la Résistance (CNR), qui regroupait, sous la direction de De Gaulle, l’ensemble des organisations de résistance. Sur le plan militaire, le PCF accepta aussi en février 1944 de placer ses FTP sous commandement gaulliste, dans le cadre des Forces françaises de l’Intérieur (FFI).
L’unification de la résistance contribua à sa massification, qui fut largement encouragée par la mise en place en février 1943 du Service du travail obligatoire (STO). Plutôt que de partir travailler en Allemagne, environ 10 % des jeunes Français entrèrent dans la clandestinité, nourrissant ainsi la création des premiers maquis. Malgré des débuts souvent difficiles, ceux-ci montèrent en puissance au printemps 1944, avant de connaître une explosion en juin 1944, pendant laquelle les FFI regroupèrent sans doute plusieurs centaines de milliers de miliciens armés. Ces unités, majoritairement issues des FTP, libérèrent durant l’été 1944 le pays, mettant en place un pouvoir populaire.
Loin de vouloir utiliser ce contexte pré-révolutionnaire pour tenter de prendre le pouvoir, le PC joua toutefois pleinement le jeu du « front national ». S’inscrivant dans la logique des blocs décidée par Roosevelt et Staline, le PCF appela ses militantEs et ses milicienNEs au respect des institutions mises en place par les gaullistes, leur demandant en octobre 1944 de rendre leurs armes et de se dissoudre. Malgré l’irruption armée des classes populaires, qui avaient installé durant l’été 1944 un pouvoir populaire, la victoire de la résistance ne déboucha pas sur une révolution, comme l’avaient espéré les militants trotskistes, mais sur la restauration d’une république bourgeoise.
Laurent Ripart