Limogeage le 9 mai de James Comey, le patron du Federal Bureau of Investigation (FBI), et démission contrainte du conseiller à la sécurité nationale de Michael Flynn au début de février (toutes deux liées à l’enquête en cours du FBI sur la Russie et son intervention durant la campagne présidentielle américaine de 2016) ; accusations portées par le Washington Post contre Trump pour avoir divulgué auprès des Russes des informations... Tout cela est symptomatique de la partie qui se joue à la tête de l’État américain.
L’entrave à la justice dont est accusé Trump pourrait entraîner une procédure d’impeachment visant à sa destitution. Le plus probable est que la raison d’État l’emporte, mais une crise politique profonde est ouverte. Elle est la conséquence des difficultés des sommets de l’État à maîtriser le président démagogue, mégalomaniaque, pour qui l’abus de pouvoir est le mode de gestion quotidien des affaires, même s’il se plie, au final, aux décisions du FBI et du Pentagone.
Quoiqu’il en soit, au-delà des coups d’éclats ou des coups de tête du milliardaire narcissique, s’écrit un réel changement dans la stratégie internationale des USA qui prend en compte les échecs de la décennie précédente, celle d’Obama et les conséquences de la crise de 2007-2008 qui perdure et dont les effets bouleversent l’ensemble des rapports internationaux.
C’est cette politique qui se met en place, en particulier à travers le premier voyage à l’étranger de Trump : tout un programme, l’Arabie saoudite, Israël, le Vatican, le sommet de l’Otan...
Offensive militariste
La rhétorique de matamore militariste contre la prétendue mollesse des Démocrates, leurs positions « inutilement moralisatrices » et leurs « naïvetés prêcheuses », l’agitation du démagogue populiste se plient, non sans difficultés, aux contraintes de la politique des USA, continuité et rupture dictées par une réalité et des rapports de forces qui évoluent. Et cela parce que, sur le fond, elle participe d’une volonté des USA d’afficher leur force sans faux semblants.
Trump ne l’avait pas caché pendant sa campagne : en Irak, en Syrie, au Yémen, voire ailleurs, il avait l’intention de donner la priorité à l’option militaire pour résoudre les crises en cours, au nom de la lutte contre le terrorisme. Les forces américaines, sous son commandement, allaient désormais « se battre pour vaincre »...
Au-delà du personnage, la politique qu’il met en place a des racines profondes dans l’histoire de la bourgeoisie américaine, dans les nouveaux rapports de forces qui se sont construits à travers la mondialisation. Par-delà les conflits dans la façon de mener les affaires, elle a, sur le fond, l’assentiment de l’état-major.
En proclamant vouloir « rendre l’Amérique à nouveau grande », Trump a défini une orientation que partage tout l’establishment, les élites qu’il prétendait combattre. Derrière ce slogan, il y a la défense des intérêts du capital américain face à la concurrence mondialisée, contre les peuples et sa propre classe ouvrière.
À défaut de pouvoir continuer à prétendre assurer l’ordre mondial en invoquant une prétendue mission démocratique et de paix, le Pentagone et Wall Street entendent jouer leur carte dans le désordre mondial et utiliser ses contradictions et rivalités qu’ils ont eux-mêmes largement contribué à créer en fonction de leurs propres intérêts. Le capital financier américain n’a nullement l’intention d’avoir une politique isolationniste, mais bien de perpétuer sa domination contre les travailleurs et les peuples. L’élection de Trump s’inscrit dans cette exacerbation des tensions, sa politique dans la continuité de l’histoire de l’appareil d’État américain, dévoué, façonné à défendre l’ordre capitaliste tant à l’intérieur que sur la scène internationale.
Yvan Lemaitre