Le cycle « Débats pour une gauche de combat » (quatre ateliers et une plénière) qui s’est tenu à l’Université d’été 2022 visait à réunir des représentantEs de différents courants de la gauche radicale (comme l’UCL, Rejoignons-nous, Ensemble, Gauche écosocialiste…) ainsi que les acteurEs qui, dans la période, s’opposent aux politiques néolibérales (comme l’Union populaire représentée par Aurélie Trouvé). Les débats ont porté notamment sur la situation post-élections, la lutte contre l’extrême droite et la stratégie et les outils nécessaires pour la construction d’un pouvoir au service de la majorité.
Les différentEs intervenantEs partagent les constats autour des principales coordonnées de la période. Les résultats des élections législatives et présidentielle ont mis en évidence l’émergence de trois blocs structurant les conflits de classe dans un contexte marqué par une percée historique de l’extrême droite, une exacerbation des rivalités inter-impérialistes et de la crise climatique et énergétique. Au cours des différents ateliers, ils et elles ont également évoqué l’importance de construire des convergences pour stopper les réformes antisociales à venir (retraites, assurance chômage, politiques d’austérité…) et faire face à l’urgence sociale et écologique.
Gauche plurielle, gauche de combat, gauche révolutionnaire
Si l’opposition à Macron et la volonté d’agir ensemble face à la montée des idées d’extrême droite constituent des points d’accord unanimes, des nuances et des flottements émergent au niveau des stratégies à mettre en œuvre, des définitions de l’étiquette « gauche de combat » et des délimitations par rapport à la Nupes. Des thèmes sur lesquels les militantEs du NPA reviennent constamment au fil des discussions en manifestant des positionnements qui reflètent d’une façon de plus en plus claire les écarts entre les projets et les pratiques militantes des différentes âmes du parti. Le désaccord porte en l’occurrence sur le soutien critique de la majorité du NPA à la Nupes lors des élections législatives et se transpose sur les tactiques actuelles de front unique sous prétexte que celles-ci constitueraient un risque de dissolution du parti et de sa perspective révolutionnaire.
À la tribune, personne en réalité ne se fait d’illusions sur la Nupes dont il n’est pas question de nier le caractère réformiste voire opportuniste. Sans assumer une posture sectaire, Rejoignons-nous précise d’emblée ses réserves vis-à-vis de la Nupes : si le programme de LFI est convaincant sur le plan de l’écologie et des revendications sociales et a évolué sur les questions liées à l’islamophobie, il ne faut pas oublier les limites de l’UP en termes de démocratie interne, du choix de certains candidats ainsi que du sketch autour de la présence du PS dont la posture n’est pas exempte d’ambiguïtés. Soupçons qu’Aurelie Trouvé (ancienne présidente d’Attac et députée LFI de la 9e circonscription de Seine-Saint-Denis) tient à démentir en pointant le fait que la Nupes se serait construite en rupture avec la politique libérale menée par François Hollande. La position de la Gauche écosocialiste (ex Ensemble insoumis) semble être moins tranchée sur cette question. Pour cet acteur, la présence d’un bloc populaire progressiste et écolo, constituant un contre-poids au bloc autoritaire-raciste et au bloc libéral, est une donnée rassurante. Cela aurait permis une nouvelle polarisation à gauche autour des thématiques des retraites, de la redistribution des richesses et de la planification écologique. La Nupes, avec LFI comme barycentre, ne serait donc pas une nouvelle mouture de la gauche plurielle car son programme, défini, d’une façon confuse, comme « réellement social démocrate », se situerait en rupture avec le libéralisme et le productivisme.
L’enjeu de l’espace commun en construction serait alors celui de bâtir une gauche de combat à la fois dans et à gauche de la Nupes, permettant d’écarter le scénario italien et d’ouvrir un nouvel horizon.
Un outil au service des luttes et de l’émancipation
Malgré la redondance de certaines discussions et les discussions internes au NPA, les débats ont réussi à toucher des points cruciaux sur lesquels la gauche radicale devra se pencher dans les mois à venir. Pour Autogestion et émancipation (courant d’Ensemble), la nécessité de formuler une critique de la Nupes et des illusions qu’elle peut générer n’efface pas l’urgence d’une reconstruction de la gauche. Les défis, précise Gaëlle pour l’UCL, vont être tant du point de vue des mobilisations qu’au niveau des projets – libéral, raciste, islamophobe – que nous devrons combattre. Si le camp de Mélenchon semble pouvoir encourager et alimenter un espoir notamment sur la question des retraites, les tâches des courants révolutionnaires restent centrales pour amplifier les mouvements actuels (féministes, écologistes, LGBTI, antiracistes…) et construire un projet d’émancipation. Cela oriente le débat vers la construction d’un projet commun qui touche les points névralgiques autour du travail et du contrôle de l’économie, des combats pour l’autodétermination des peuples, de la protection de l’environnement et de la lutte contre les oppressions. Sans renoncer au parti en tant qu’outil stratégique permettant de produire une analyse de la situation, formuler des hypothèses stratégiques et déterminer collectivement les tâches, la construction d’un espace d’élaboration politique plus large permettrait d’être mieux armés face à l’ampleur du défi et à la course de vitesse qui s’impose. Pour une grande partie des intervenantEs il est avant tout question de promouvoir une structuration par en bas, par les luttes et les mobilisations, ce qui se heurte avec la démarche jusque-là électoraliste et le fonctionnement pyramidal de LFI/UP.
Des pistes intéressantes pour un travail commun
Ce cycle de débats de l’UDT a permis d’explorer plusieurs pistes intéressantes :
1 –L’outil du front unique semble constituer l’option la plus concrète et la plus adaptée dans la période. Cet outil doit pouvoir fonctionner d’une façon démocratique, promouvoir des formes d’autogestion et s’appuyer sur les aspirations et les préoccupations des dominéEs d’une façon à pouvoir articuler des besoins et des solutions immédiates et ponctuelles avec le projet, plus large, d’une autre société. L’aspiration à l’unité, exprimée par notre camp social à travers le vote, constitue un facteur d’encouragement pour préparer des luttes autour des thématiques clés comme les salaires, les retraites, la transition écologique… Pour ce faire, nous avons besoin d’espaces communs qui puissent impulser et organiser des mobilisations desquelles dépendra aussi la construction d’une conscience dans notre capacité collective à changer l’état des choses existant.
2 –Les intervenantEs parlent d’une étape particulière de recomposition de la gauche où il est, pour les uns (en particulier pour la Gauche écosocialiste et l’UP), indispensable de renforcer et radicaliser le bloc populaire et, pour les autres (UCL, NPA, Rejoignons-nous), de constituer une gauche de combat en rupture avec le capitalisme. Plusieurs propositions concrètes ont été avancées : l’organisation d’assemblées régulières entre les différents courants, la constitution de parlements locaux s’appuyant sur les expériences réussies des collectifs de campagne pour les législatives, la mise en mouvement de collectifs, locaux et nationaux, composés des différents acteurEs en lutte (politiques, syndicaux, associatifs...).
Pour le NPA, l’enjeu sera avant tout celui de tenir les deux bouts : d’un côté, l’ouverture aux autres courants et le travail politique à une échelle large et, de l’autre côté, le maintien d’une perspective stratégique de transformation révolutionnaire de la société.