Dans la situation sociale et politique que nous connaissons tous, quels sont les enjeux de ce forum ?
Dans son Assemblée générale de novembre 2022, le mouvement ENSEMBLE ! s’est très clairement posé la question d’une recomposition politique globale et de son propre « dépassement ». Le monde capitaliste et ses modes de domination sont de plus en plus violents, avec des États ouvertement antidémocratiques, le surgissement de nouvelles formes d’impérialismes, l’exacerbation des guerres à nos portes, la tentation d’extrême droite ou fascisante comme mode de gouvernement.
Dans ce contexte, le mouvement ouvrier connait de multiples évolutions qui bousculent nos réflexions : le travail surexploité et morcelé, la révolution féministe mondiale (accélérée par #MeToo), l’antiracisme, le refus des discriminations et l’aspiration à des droits universels, le défi écolo-climatique comme enjeu de civilisation face à des décennies d’économie extractiviste et destructrice du monde vivant. Le syndicalisme est obligé de se remettre en question.
Les courants historiques de la gauche et de l’écologie politique antilibérales sont traversés d’interrogations, de remises en cause et de crises internes, auxquelles les courants anticapitalistes n’échappent pas. Dans quel monde vivons-nous ? Comment repenser et redéfinir l’objectif révolutionnaire et autogestionnaire aujourd’hui ? Il est nécessaire de se poser ces questions et d’organiser collectivement une réflexion stratégique
De quel outil politique avons-nous besoin ?
Comme militantes et militants engagéEs politiquement, nous apprenons d’abord de l’action collective. Nous devons participer sans vision avant-gardiste à la construction commune des outils de lutte, syndicaux, associatifs ou citoyens. Les luttes sont en elles-mêmes très politiques, au sens fort. La participation à l’action est un ferment de débats, d’idées, d’inventions dans les modes de participation (assemblées), avec une exigence démocratique forte. Comme militantEs visant l’émancipation collective, nous portons des propositions à partager, autour de campagnes d’action. Par exemple : contre la loi Darmanin qui se prépare, agir sur la question de la santé (PLFFS), faire avancer une sécurité sociale de l’alimentation, renforcer le salaire socialisé. Mais aussi pour mettre à l’ordre du jour des exigences radicales : obtenir la gratuité des transports collectifs contre le tout « voiture », désobéir aux directives européennes qui menacent le fret ferroviaire (avec la complicité du gouvernement), construire des alternatives radicales indispensables à une écologie de rupture, agir pour une agriculture paysanne respectueuse des cycles de vie, de la biodiversité, avec des circuits courts autour des métropoles et la défense des terres fertiles.
Notre participation commune aux luttes et aux outils des luttes et nos exigences radicales doivent trouver une expression politique et un processus de construction de nouvelle force politique de gauche alternative.
Quels rapports avec les autres forces, quelles relations avec la Nupes sont possibles selon vous ?
Face à la droite, autoritaire et néolibérale, flanquée d’une menace néofasciste aux portes du pouvoir, il est absolument nécessaire de construire une convergence des forces de gauche et de l’écologie politique. La création de la Nupes, sous l’impulsion de LFI, est un élément positif même si nous avons une appréciation critique. Son échec ouvrirait un boulevard à l’extrême droite. Nous avons, avec d’autres forces, proposé d’en faire partie intégrante, pour démultiplier des assemblées populaires citoyennes sur tout le territoire. La Nupes ne doit pas se réduire à un accord électoral ou à l’action parlementaire. Les forces de la gauche de résistance doivent se transformer en forces de l’alternative, pour convaincre l’électorat abstentionniste, remobiliser de manière pluraliste et dynamique, construire du commun avec toutes les luttes. Dans la Nupes, les réflexes d’appareil menacent. Mais nous sommes concernéEs par les enjeux. Nous devons agir. C’est avec ce projet partagé que nous pouvons aussi chercher le dialogue et la construction commune avec d’autres organisations en phase avec cet objectif, tout en produisant aussi nos propres perspectives.
Ainsi, construire une nouvelle force politique de gauche alternative, impliquée dans les enjeux nationaux, mais capable d’attirer des énergies nouvelles dans le monde du travail et les mobilisations, est un objectif complémentaire du rassemblement des forces politiques et sociales.