200 km de nouvelles lignes de métro,68 nouvelles gares, 40 milliards d’euros investis mais aussi... cinq morts. Et même six, si l’on compte le jeune stagiaire décédé au cours des travaux de prolongement du RER E. Auxquels s’ajoutent dix-neuf blessés graves. Le Grand Paris est souvent à la une ces derniers mois, en raison des accidents qui se succèdent sur les chantiers de construction ou d’extension des lignes de métro. Un mort tous les six mois en moyenne.
Les chiffres sont terribles, mais ils ne font que témoigner d’une réalité qui concerne l’ensemble du secteur : selon la CGT construction, pour chaque journée travaillée, un ouvrier du bâtiment meurt au boulot.
Sous-traitance en cascade et délais
« Le chantier du Grand Paris est un projet urbain sans précédent et une formidable vitrine du savoir-faire français dont le caractère novateur doit induire l’innovation en matière de santé et de sécurité des intervenants », écrivait en 2016 la Caisse régionale d’Assurance maladie. À l’arrivée, on retrouve toujours le même modèle économique accidentogène. La sous-traitance en cascade étrangle financièrement les entreprises qui exécutent réellement les travaux et les incite à rogner sur la sécurité (voire à ne pas déclarer les salariéEs) pour se dégager une marge. Le recours massif à l’intérim, aux apprentis, aux salariéEs dits en « insertion » (en réalité des ouvriers sans qualification payés au Smic qui se retrouvent parfois à faire tout et n’importe quoi) amène sur les chantiers des dizaines de travailleurEs peu formés qui ne connaissent pas l’environnement de travail. Et la tenue des délais prime sur toutes les autres considérations, sécurité comprise évidemment. Plusieurs entreprises en charge des travaux ont même sollicité et obtenu de l’administration des dérogations pour faire travailler leurs salariéEs le dimanche, sans aucune base légale.
Manque de contrôle
Quant aux organismes et institutions en charge de la prévention des risques, comme les CHSCT, ou du contrôle du respect de la réglementation en la matière, ils ont été méthodiquement démantelés au cours des dernières années. Fin 2022, presqu’un poste sur quatre à l’Inspection du travail en Île-de-France était vacant, faute de recrutements suffisants.
Les accidents graves à répétition sur ces chantiers médiatisés ont contraint l’État et la Société du Grand Paris à annoncer des « mesures ». Les chantiers ont été mis à l’arrêt une journée pour sensibiliser et former les salariéEs le 10 mai dernier. Et la direction régionale du travail (DRIEETS) ira de son côté rencontrer les apprentiEs dans les CFA pour leur parler sécurité au travail. Autant d’actions qui renvoient indirectement la responsabilité des accidents aux salariéEs, comme si c’étaient les travailleurEs qui décidaient de bosser dans des conditions dangereuses...
Au travers de ces drames, un semblant de débat public sur la mort au travail émerge néanmoins. Nous devons nous en saisir, expliquer que ces accidents sont des faits sociaux et politiques et non des faits divers, et réclamer l’interdiction de la sous-traitance, la recréation des CHSCT et le doublement des effectifs de l’Inspection du travail.