Dans la situation sociale et politique que nous connaissons touTEs, quels sont selon vous les enjeux de ce forum ?
Béa Whitaker : La dissolution des Soulèvements de la Terre, après celle du CCIF, le passage en force face au mouvement social contre la réforme des retraites, les politiques de plus en plus racistes… montrent bien l’urgence de s’organiser pour faire front contre l’autoritarisme du gouvernement et la fascisation en cours, mais aussi pour élaborer un projet politique nouveau, révolutionnaire, démocratique, internationaliste et pluraliste, porteur d’une alternative globale.
Pour Rejoignons-nous, cela passe nécessairement par une nouvelle organisation politique pour donner une nouvelle impulsion. Cela fait trois ans que l’on fait des propositions à ce sujet et les choses avancent. Les discussions, notamment avec le NPA, sont très positives, et nous sommes très heureux de voir que l’annonce du forum a également rencontré un écho auprès de celles et ceux qui ne sont à l’heure actuelle dans aucun parti politique.
Pour nous, l’enjeu du forum, c’est d’abord de donner envie au plus de militantEs possible, notamment des quartiers populaires et de la nouvelle génération de mouvements sociaux écologistes, féministes et antiracistes, d’entrer dans la discussion, la construction, aux niveaux local et national. Car s’il faut rassembler les militantEs issus des organisations politiques de la gauche radicale et anticapitaliste, c’est aujourd’hui en dehors des partis que se trouvent les forces vives dont nous avons besoin pour changer les choses. Faisons passer le message à toutEs celles et ceux qui voient bien que ce système mène à notre perte : nous pouvons construire ensemble un nouvel outil politique, utile, puissant, enthousiasmant aussi. La porte est grande ouverte : rejoignons-nous dès maintenant pour le faire !
De quel outil politique avons-nous besoin ?
Fabien Marcot : Finalement, la question de fond est : « À quoi sert une organisation politique aujourd’hui ? ». On a besoin d’une nouvelle organisation utile pour intervenir dans le débat public, les luttes et le champ politique de manière coordonnée, mais aussi et d’abord utile dans la vie de tous les jours. Une organisation qui nous permette de nous défendre, d’apprendre les unEs des autres, de prendre des décisions et agir sur le terrain. Pas un mouvement gazeux et vertical, ni un simple réseau de collectifs militants, mais une organisation véritablement collective, démocratique, conviviale et polyvalente, construite à égalité par toutes et tous ses membres.
Dans notre « Manifeste pour une nouvelle organisation politique révolutionnaire, démocratique et pluraliste »1, nous avons fait une série de propositions. Pour résumer, nous ne voulons pas de ce qui fait l’échec et le rejet légitime des partis politiques existants : électoralisme, opportunisme, caporalisme, manque de démocratie, sectarisme, déconnexion des quartiers populaires et des réalités quotidiennes du travail, mépris des initiatives antiracistes et féministes et des expériences autogestionnaires. De manière générale, il faut trouver les mécanismes capables d’éviter en interne la reproduction des schémas de domination que l’on peut retrouver dans la société : sexisme, racisme, validisme, division inégalitaire des activités militantes… Cette organisation devra être pluraliste et unitaire et articuler toutes les dimensions de la lutte sociale et politique : solidarité concrète, autodéfense et autogestion, grèves et occupations, batailles idéologiques et institutionnelles, formation et intervention médiatique, débats stratégiques, en menant les combats aux niveaux local, national et international. Elle devra à la fois avoir une colonne vertébrale idéologique forte et se rendre perméable aux cultures politiques qui ne sont pas issues de l’histoire traditionnelle de la gauche radicale et révolutionnaire. C’est peut-être là que se situe l’enjeu principal : nous avons besoin d’une organisation du « mouvement réel », pas d’un club privé de convaincuEs.
Après le forum de dimanche à Paris, quelles perspectives pour continuer ?
Alexis Cukier : Ce sera aux participantEs du forum d’en discuter, de proposer des discussions politiques et des campagnes prioritaires. Nous proposerons, avec les autres composantes et militantEs impliquéEs dans la préparation, une méthode : que le forum national fasse des propositions qui soient discutées, précisées, complétées en septembre dans des forums locaux partout où des militantEs et habitantEs veulent participer au processus. Pour Rejoignons-nous, le travail pourrait porter sur deux axes : la réflexion autour de l’organisation politique que nous voulons construire et les actions concrètes et utiles pour développer des pratiques communes. Par exemple, pour nous un des rôles d’une organisation politique est de montrer la cohérence et la transversalité entre les luttes. On pourrait élaborer par exemple des campagnes autour de « Travail, écologie, féminisme », qui portent ensemble les pratiques et propositions de réduction du temps de travail, décarbonation de l’économie, décision démocratique sur les besoins, partage des activités socialement nécessaires...
Cela impliquerait d’abord de réfléchir à ce que veut dire « une campagne » : comment on l’élabore, comment on la fait vivre partout, comment on trouve les mots, les formats, les outils pour convaincre et permettre à chacunE de s’impliquer. Bref, les perspectives, ce n’est pas ce qui manque ! Le chantier est énorme mais tout aussi nécessaire et enthousiasmant !