Confrontée à la baisse continue des dotations de l’État et des rentrées de la taxe professionnelle, la commune s’est retrouvée dans les années 2000 dans la spirale de l’endettement pour maintenir ses dépenses d’investissement et de fonctionnement.
Cette commune de la banlieue rouennaise compte aujourd’hui un peu plus de 29 000 habitantEs. Elle est dirigée depuis plusieurs décennies par le PCF, allié au PS, et aussi depuis 2014 à Ensemble. Elle est majoritairement habitée par des familles populaires, dont beaucoup sont frappées par la précarité voire la misère sociale brute. Ses quartiers les plus défavorisés, Hartmann, la Houssière, le Château Blanc, le Bic Auber sont touchés de plein fouet par le chômage mais aussi par les conséquences des politiques d’austérité menées par les pouvoirs publics, entraînant la baisse des subventions aux associations de quartiers voire leur disparition alors que se raréfient les lieux de vie et d’animation pour les plus jeunes.
Avant l’été dernier et l’assassinat du prêtre de la commune par deux jeunes adultes influencés par l’idéologie mortifère et réactionnaire de Daesh, cette commune n’avait jamais autant fait parler d’elle au niveau national... si ce n’est par son classement dans les collectivités locales ayant contracté des emprunts dits « toxiques » auprès de la banque Dexia, célèbre pour ses placements dans les paradis fiscaux et ses pratiques financières légalement crapuleuses... et dont la faillite aura coûté 6,6 milliards d’euros aux contribuables en France !
L’arnaque de Dexia
Face à la baisse continue des dotations de l’État et à la disparition des rentrées de la taxe professionnelle, la commune a recouru dans les années 2000 à l’endettement pour maintenir ses dépenses d’investissement et de fonctionnement, notamment la part dévolue aux salaires du personnel communal. Ainsi, en 2014, le montant total des dettes dues par la commune (42 millions d’euros) équivalait à son budget de fonctionnement annuel. La dette par habitant a augmenté de 48 % entre 2000 et 2014 ! En 2006 et 2008, Dexia a proposé à la commune de restructurer sa dette. On est alors passé d’un taux fixe ancien situé entre 7,25 et 8 % à un taux structuré entre 3,5 et 5 %, mais Dexia s’était gardé de préciser les risques inhérents à ces « produits »...
« L’avantage » des premières années a brutalement tourné au cauchemar financier après la crise des subprimes, en 2008. Le taux structuré a grimpé en flèche à 22 % en 2014, pour atteindre en 2015 26,1 %. Les raisons de ce désastre ? Un taux calculé sur la parité euro-franc suisse. « Les séries historiques sur dix ou vingt années accréditaient l’idée que la parité entre les deux monnaies ne pouvait pas tomber en dessous de 1,44, quels que puissent être les événements internationaux », soulignait la commission d’enquête parlementaire. Ce que Dexia ne se privait pas de répéter aux collectivités… tout en faisant, contre elles, le pari inverse ! La commune a alors déposé plainte contre Dexia comme d’autres collectivités locales flouées, dont beaucoup dirigées par des coalitions de gauche (aveuglement volontaire ou réelle méconnaissance du fonctionnement classique du système bancaire capitaliste ?).
La procédure judiciaire s’annonçant comme très longue... s’est arrêtée net il y a quelques mois. En effet, en mars 2016, le conseil municipal a voté le refinancement de ses deux emprunts toxiques dont l’un des taux dépassait les 20 %. La commune a accepté l’aide de l’État pour payer les pénalités (astronomiques : 4,28 millions d’euros pour un capital restant dû de 7,46 millions) de remboursement anticipé. Mais en échange de ces 3,7 millions d’aide, qui lui feront ainsi économiser près de 3 millions d’intérêts sur quinze ans, la commune a dû abandonner ses poursuites contre Dexia, laquelle banque a désormais pour principal actionnaire... l’État !
Une majorité municipale peu transparente
Seuls les deux conseillerEs municipaux d’opposition « Saint-Étienne vraiment à gauche », soutenus par le NPA, ont voté contre cette décision en déclarant : « Force est de constater que s’il y a bien eu plainte déposée, la commune s’est en même temps rapprochée de la SFIL, structure financière créée par le gouvernement pour éviter une déroute juridique aux banques, pour réaménager les emprunts à risque, contractés auprès de Dexia. Parallèlement la ville a déposé une demande d’aide au Fonds de soutien aux collectivités territoriales auprès du représentant de l’État. Il est dommage que cette démarche entreprise par la commune n’ait pas été effectuée en toute transparence au vu et au su de tous les éluEs et de la population stéphanaise. La ville a donc discrètement renégocié ses emprunts et si nous validons ce refinancement, il n’est plus possible de remettre en question juridiquement la responsabilité des banques dans cette arnaque. La municipalité, les associations d’éluEs n’ont pas mené le combat qui s’imposait contre ces dérives bancaires et financières, se sont soumis aux injonctions et directives du pouvoir ultra-libéral en place. Nous voterons contre cette délibération, car pour nous, un front de refus des collectivités devait s’imposer pour l’annulation pure et simple de cette dette illégitime ».
Alors que les discussions pour le budget 2017 ont déjà démarré, l’autre sujet majeur d’inquiétude pour la population est l’augmentation continuelle des impôts locaux depuis plusieurs années. Les taux d’imposition restent certes nettement inférieurs aux communes environnantes mais de fait, d’année en année, les sommes payées par les habitants s’alourdissent. Au conseil municipal de septembre, les deux éluEs soutenus par le NPA ont rappelé qu’ils étaient contre toutes les augmentations d’impôts qui frappent les salariéEs, les retraitéEs, les milieux modestes, alors que tout le monde sait, à l’heure du procès Cahuzac, que les plus riches payent des cabinets d’experts pour ne pas payer d’impôts !
Marie-Hélène Duverger