Quelles sont les répercussions, sur la situation des Roms, de la démagogie raciste des Sarkozy-Hortefeux-Besson faisant des Roms originaires de Roumanie et de Bulgarie des boucs émissaires ?
Le discours de Grenoble de Sarkozy, cet été, avait comme principal objectif de faire diversion par rapport à l’affaire Woerth- Bettencourt, à ce moment-là. Mais les expulsions ne datent pas d’aujourd’hui. Une circulaire du 24 juin dernier durcissait déjà les conditions d’expulsion des Roms et cela fait des années qu’ils sont pourchassés, expulsés, leurs lieux de vie détruits. Ce qui est nouveau c’est qu’aujourd’hui, on cible cette population officiellement, par des directives, avec un discours raciste du gouvernement totalement décomplexé.
Sarkozy avait déclaré qu’en trois mois il ferait disparaître 300 lieux de vie roms. Ses préfets ont devancé ses consignes avec zèle puisque dans le même temps, ce sont 413 lieux qui ont été démantelés. On est loin des déclarations passées du préfet de Gironde « pas d’expulsion sans solution de relogement ».
Quelle est la situation en Gironde ?
Elle est variable et dépend des communes. Lundi 13 septembre devait avoir lieu, sur ordre de la préfecture, l’expulsion du squat de la Bastide et la destruction des bâtiments appartenant à la communauté urbaine de Bordeaux (CUB). Juppé a préféré demander à la préfecture un sursis, et s’est engagé à un relogement des familles. À la suite de l’incendie de ce squat, il y a quelques mois, ses services avaient fait installer l’électricité (pour éviter les piratages dangereux et les gardes à vue incessantes). Une manière de se démarquer sans le dire de la politique ouvertement raciste d’Hortefeux ? À l’opposé, les communes socialistes de Cenon et de Floirac avaient laissé couper l’électricité et l’eau, en août 2009, dans le squat de la rue du Maroc, à Cenon… En juillet dernier, après l’évacuation du bidonville de Floirac, toutes les maisons alentour avaient rapidement été détruites. Ce site abritera le futur « Zénith » de Floirac, projet cher à la députée socialiste Lacuey.
Quelle est l’attitude des politiques que tu sollicites régulièrement ?
Il y a ceux qui ferment les yeux, députés et sénateurs qui évitent de prendre publiquement position sur cette question, malgré les grands discours des députés socialistes. Il y a les politiques locaux qui parfois « écoutent » et essaient de gérer les problèmes avec « humanité », comme à Pessac, ou même à Bordeaux. Mais il y a surtout ce que j’appelle les « squatters de Mériadeck »2 : CUB, conseil général et préfecture, qui appliquent arbitrairement les décisions administratives. C’est ainsi que cet été, deux avions ont été affrétés à Bordeaux pour rapatrier plusieurs centaines de Roms bulgares vers Sofia, en leur donnant une somme de 300 euros par adulte. Le préfet aurait dit en privé que « fin septembre, il n’y aura[it] plus un Rom à Bordeaux ». Aujourd’hui, un mois après, on compte plus de 200 nouveaux Roms dans la région. Certains viennent même d’autres régions vers Bordeaux pour bénéficier du dispositif. Loin d’éloigner la population rom, ce dispositif fait appel d’air et ne règle rien. Ces populations, qui en grande majorité reviennent tout de suite, sont laissées sans solutions de logement et de travail et sans accompagnement social. De la même façon, rien n’est réglé après les expulsions et démolitions de squats. Après la destruction du squat de Floirac, en juillet dernier, quatre nouveaux ont fait leur apparition sur la CUB.
Cette stigmatisation d’une population, Roms ou gens du voyage, est une offensive du gouvernement qui nous concerne tous. C’est un recul général des droits que le gouvernement veut imposer à l’ensemble de la population (déchéance de la nationalité, amalgame puant immigrés-délinquants,…), en tentant de nous diviser. Quelles mobilisations sont aujourd’hui possibles ?
La situation change. Je me réjouis des déclarations de la commissaire européenne qui vient de condamner la politique raciste et xénophobe de Sarkozy. L’activité et l’engagement d’associations et d’individus obligent souvent les politiques à opter, sous la pression, pour des solutions « moins pires » que la brutale expulsion, permettant parfois d’obtenir titres de séjour, solutions de logement et scolarisation des enfants. Ainsi, nous avons obtenu la prise en charge de quelques familles du squat de la Bastide, avec titre de séjour… Et les populations roms ont aujourd’hui conscience de la légitimité de leurs revendications (des papiers, du travail !), comme l’ont montrée les centaines de roms qui ont manifesté deux fois dans les rues de Bordeaux, en janvier dernier, pour des droits. C’était la première manifestation de Roms, après celle de Saint-Denis, et l’initiative est venue des Roms eux-mêmes.
Propos recueillis par Christine Héraud
1. Romeurope est un collectif national d’associations (LDH, Cimade, Secours catholique, Médecins du monde, MRAP...) et d’individus, la plus grosse structure nationale pour l’accès aux droits fondamentaux des Roms migrants. C’est un réseau militant d’intervention, de partage d’infomations et de revendications.
2. Le quartier de Mériadeckse trouve au centre de Bordeaux.