Publié le Lundi 1 juin 2009 à 22h02.

Abu Dhabi : la France va-t-en-guerre 

Le 26 mai, Nicolas Sarkozy a participé au lancement du « Louvre d'Abu Dhabi »,  belle affaire financière de 1 milliard d'euros. Mais on retiendra surtout qu'il a inauguré ce jour-là une base militaire permanente appelée « Camp de la paix »… 

La base militaire inaugurée par Sarkozy, le 26 mai, doit héberger, dès juillet, plus de 400 soldats sur trois sites : une base navale et de soutien logistique dans le port d'Abu Dhabi, une base aérienne, où stationnera un détachement d'au moins trois avions de combat, et un camp d'entraînement au combat urbain en zone désertique. Bien entendu, le président français avait dans ses bagages tout ce qu'il faut pour assurer le service après-vente: les marchands d'armes qui alimentent déjà en grande partie les forces armées de l'Emirat (EADS, Thales, Dassault) et les représentants d'Areva pour le nucléaire.

De nombreux observateurs ont souligné que ce « camp » est la première base militaire française à l'étranger, en dehors de celles installées dans les anciennes colonies d'Afrique. Il faudrait y ajouter celles qui se situent dans les « DOM-TOM », et en particulier celle de Mayotte (sur le Canal du Mozambique) qui, avec Djibouti (à l'entrée de la mer Rouge) et d'Abu Dhabi (golfe Persique), constitue, pour les forces d'intervention militaire de l'impérialisme français au Proche et Moyen-Orient, un dispositif assez complet sur les grandes routes de navigation et d'alimentation en pétrole. Il s'agit d'une orientation stratégique nouvelle pour l'impérialisme français, un véritable tournant, amorcé il y a un an avec le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale.

Jusqu'ici, la doctrine gaulliste, malgré quelques évolutions avec Chirac et surtout Mitterrand, restait la doctrine officielle: positionner l'impérialisme français comme indépendant et parfois ouvertement en rivalité avec l'impérialisme américain; fonder sa stratégie militaire sur la « dissuasion ». Recroquevillée sur son pré carré africain pour y mater les révoltes populaires, y faire et défaire les gouvernements, la France était militairement peu active hors de ce cadre-là.

La nouvelle doctrine cherche à constituer un « axe stratégique majeur, de l'Atlantique à l'océan Indien », en passant « d'une stratégie de défense passive à une stratégie de défense active en profondeur », qui prévoit « une réaction rapide et une action offensive ». Pour cela, il est nécessaire de s'attirer les grâces de l'impérialisme dominant, de se placer dans son giron pour, en échange, revendiquer une certaine « liberté » et se tailler quelques parts de marché. De ce point de vue, le choix d'Abu Dabhi, dont le sultan est le président de la Fédération des Emirats arabes unis, moins liée aux Etats-Unis que d'autres pays de la région, est tout à fait significatif. D'une part, les Etats-Unis, son industrie nucléaire et ses marchands d'armes ne voient pas cela obligatoirement d'un bon œil mais, d'autre part, cette initiative inscrit totalement les troupes françaises au cœur du dispositif d'intervention de l'impérialisme américain contre l'Iran, et peut-être au-delà. C'est une politique extrêmement dangereuse et belliciste.