Le 15 mai, la course à l’échalote islamophobe vivait une nouvelle péripétie au Sénat. Porté par Les Républicains, soutenu par l’UDI et l’Union des Centristes, l’amendement « 100 quater » à la loi Blanquer dite « école de la confiance » était voté très majoritairement. Il complète le code de l’éducation de 2004 en élargissant l’interdiction du port de « signes religieux » aux parents accompagnant les sorties scolaires... Ou, pour le dire aussi clairement que c’est apparu dans la presse et les médias, il en exclut les mères d’élève voilées.
C’est une nouvelle menace pour les femmes voilées et les musulmanEs en général. Même si l’amendement est finalement rejeté par l’Assemblée nationale, ce vote va encore renforcer ceux et celles qui, dans les services publics ou ailleurs, ne craignent plus d’exprimer ouvertement et concrètement leur islamophobie. Pour se limiter à l’éducation, les cas de directeurEs d’école refusant de laisser entrer des mères d’élèves dans des établissements scolaires se sont par exemple multipliés depuis la circulaire Chatel de 2012. Si celle-ci a été remise en cause par l’arbitrage du Conseil d’État, le mal avait été fait.
Plus largement, l’affaire est révélatrice de dynamiques de fond mortifères. Elle ancre encore la remise en cause du principe de laïcité en France. La loi de 1905 qui en a défini les fondements est une loi de tolérance, posant la neutralité de l’État et de ses agentEs, tout en réaffirmant la liberté de pratique des citoyenEs, y compris dans l’espace public. Plus qu’un contre-sens, l’affirmation, depuis une vingtaine d’années d’une « laïcité » excluante est en fait un recul des droits qui peut s’étendre à bien des domaines. Quant à la course à l’islamophobie, accolée à un racisme plus multiforme, rien d’étonnant qu’une droite en recherche de popularité s’y maintienne avec ardeur (mais peu de succès électoral comme l’a montré l’élection européenne). Désormais assumé par de nombreux porte-parole de la bourgeoisie, l’islamophobie participe d’abord au succès de l’extrême droite, et au recul général de nos droits.
Attaque raciste et antipopulaire
Alors certes, il est peu probable que l’amendement du Sénat passe les dernières étapes législatives. Le secrétaire d’État Gabriel Attal a fait savoir l’opposition du gouvernement. La majorité de LREM n’en veut pas, contrairement à Blanquer (qui avait défendu le même amendement présenté par Ciotti à l’Assemblée nationale). Mais il ne faut pas pour autant faire silence sur cette nouvelle attaque raciste, et c’est notamment la responsabilité des syndicats de l’éducation. Les instits, notamment dans les quartiers populaires, travaillent régulièrement avec des mamans voilées (sans la présence desquelles bien des sorties seraient annulées). De façon plus générale, nous ne pouvons laisser une partie des élèves être considéréEs, à travers leurs parents, comme non intégrables au système scolaire, étrangers, menaçants. D’autant que ces familles appartiennent pour l’essentiel aux classes populaires que l’école tend déjà largement à culpabiliser, à déprécier et à exclure. Parmi les amendements du Sénat, on trouve d’ailleurs la suppression des allocations pour les familles d’élèves décrocheurs et décrocheuses…
Face à ce projet réactionnaire et raciste, il faut au contraire défendre un projet pédagogique émancipateur. Un projet qui ne peut se construire qu’avec les élèves et leurs familles, et dans l’affirmation d’un antiracisme politique radical.
José Rostier