De jeunes nationalistes français se réjouissent de « l’efficacité irlandaise ». Fdsouche titre sur l’incendie d’un centre pour migrantEs à Dublin, à la suite d’une attaque au couteau devant une école, tandis le triste meurtre de Thomas Perotto à Crépol fait monter au créneau les groupuscules d’extrême droite.
Quelques jeunes nervis tentent d’ailleurs une piteuse aventure, samedi 25 novembre, à Romans-sur-Isère... où Éric Ciotti ne voit qu’une manifestation de l’immense émotion qui parcourt le pays. Reconquête ! et le Rassemblement national trustent antennes et réseaux sociaux. Tous sont poussés par le traitement médiatique du fait divers tragique de Crépol. Une aubaine pour distiller la xénophobie, sous couvert de « fait de société » « systémique » !
En Irlande comme en France, le mécanisme de l’emballement est similaire. Stanislas Rigault, le jeune zemmourien, s’en félicite : « heureusement, (…) avec des comptes, avec Fdesouche, avec des militants de droite, nous avons réussi à faire monter cette affaire pour que les médias mainstream commencent à en parler ». Jordan Bardella, président du RN, l’affirme dans un message vidéo : « à chaque fois la même barbarie, les mêmes individus, les mêmes indignations, les mêmes faits, et après : quoi ? Rien ».
Le fait divers pour viser l’immigréE
Quels « mêmes faits » agite la fachosphère ? Délinquance et criminalité recoupent des réalités différentes, avec des gravités, des fréquences, des auteurs, des victimes diverses. Bardella et consorts ne s’encombrent pas de nuances. Dans son discours, la description des « bandes de cités (…) venues pour planter des blancs » rappelle immanquablement les exactions du Hamas. L’insécurité ne toucherait que les Français « de souche » soumis à une « une barbarie d’atmosphère qui est le fait de gens à qui la France a tout donné qui, en très grande partie, sont issus de l’immigration... [qui ne sont] pas Français comme vous et moi » (toujours selon Bardella sur Europe 1). La fenêtre médiatique des zemmouriens leur sert essentiellement à déplorer un « francocide ». L’insécurité est la thématique chérie pour régurgiter une seule et même idée simpliste, instillée parmi les travailleurEs touchés par les grands médias et les réseaux sociaux : viser l’immigration, puis l’immigré, le « Français de papier », réduit à ce qu’ils désignent comme musulman ou racaille de cité. Vieille recette brune.
Face à la saturation médiatique, organiser concrètement la solidarité
Et après : « rien » ? Au-delà du prétendu laxisme judiciaire, Bardella avance sa réponse politique : « depuis mai 68, l’autorité de l’État, et l’autorité dans la société en général s’est effondrée » (toujours Europe 1). Visant à affermir son électorat dans les classes populaires et moyennes, le RN s’adresse à « cette France ordinaire, celle qui ne casse pas, celle qui se lève tôt et qui travaille dur », écho aux émeutes de cet été. Ses solutions, inefficaces pour prévenir les déviances violentes en tout genre, dessinent en revanche la société qu’il promet y compris aux familles « de souche » : policière, xénophobe et antisociale. Il faut s’attaquer méthodiquement à l’incohérence — ou au contraire à l’effroyable cohérence — des idées du RN qui portent dans les classes populaires.
Allumer des contre-feux dans l’immédiateté dictée par le « tweet », en piochant d’autres faits divers pour tenter de saturer l’espace médiatique est une illusion. Les mobilisations antiracistes doivent continuer d’expérimenter des formes concrètes de solidarité pour casser la logique du « nous » (Français de souche, de la « France périphérique ») contre « eux » (l’étrangerE, l’immigréE et les descendantEs d’une immigration récente). Une tâche difficile qui requiert obstination et lente impatience.