« Nous sommes tous Trayvon Martin », pouvait-on lire sur des pancartes des nombreuses manifestations provoquées aux USA par le scandaleux acquittement de George Zimmerman, jugé pour le meurtre de Trayvon Martin. Celui-ci, un jeune noir de 17 ans, a été tué par balles en février 2012 dans les rues d’une petite ville de Floride, alors qu’il avait en mains un paquet de bonbons et une canette de boisson. Un manifestant témoigne : « J’ai beau retourner le problème dans tous les sens, je n’ai aucun doute sur l’innocence de Trayvon. C’était seulement un jeune black qui rentrait chez lui à pied, pas armé, et il a été tué parce qu’un homme blanc a eu peur, c’est aussi simple que ça. Cette violence me rend malade. » « Pas de justice, pas de paix », scandaient les manifestants qui dans plusieurs villes se sont heurtés à la police. Face à la colère et à l'indignation, Obama n'a pas eu d'autre réponse que de demander le respect du verdict : « Je sais que cette affaire a suscité des passions intenses. Au lendemain du verdict, je sais que ces passions pourraient s'intensifier. Mais nous sommes un État de droit, et un jury a parlé ». Dans le même temps, le département de la Justice a annoncé qu’il allait réétudier l’affaire pour déterminer si des poursuites au civil pouvaient être envisagées contre Zimmerman. Un geste d'apaisement totalement hypocrite. Le même Obama n'avait-il pas déclaré au lendemain de l’assassinat : « Si j’avais un fils, il ressemblerait à Trayvon ». Ce retournement est à l'image de toute sa politique, mais celui-ci touche au plus profond de la dignité des Noirs. Celui qui avait pu représenter cette dignité affiche aujourd'hui un cynique mépris.
Offensive réactionnaireLe scandale révèle l’ampleur de la dérive sécuritaire aux États-Unis. L'assassin a plaidé la légitime défense en s’appuyant sur une loi dite « Stand on your ground » (« Défendez-vous »). Elle a été promue par l’ancien gouverneur Jeb Bush et votée par la majorité républicaine de Floride en 2005. Elle élargit la définition de l’« autodéfense » en en faisant l'équivalent d'un « permis de tuer ». Au nom de cette loi, suite au meurtre, la police a relâché Zimmerman, libre de toute poursuite. Il a fallu attendre plus de trois semaines pour que les parents et proches de Trayvon soient enfin entendus. Et, lors du simulacre de procès, le jury n'était composé que de blancs. Des législations comparables à celle de la Floride sur la légitime défense existent dans au moins 23 États. Ce meurtre et cet acquittement sont les conséquences de l'offensive des républicains devant laquelle Obama et les démocrates sont impuissants. En Arizona et en Alabama, ces sont aussi les lois anti-immigrés, et dans le Wisconsin et l’Ohio une législation anti-syndicats. La politique d'Obama laisse le champ libre à l'offensive des républicains aux niveau des États fédéraux alors que les tensions sociales sont exacerbées par la crise. Même sur le terrain du racisme, Obama capitule. Les Noirs ne peuvent compter que sur leur propre mobilisation et organisation comme l'ensemble du monde du travail, de la population.
Yvan Lemaitre