Publié le Jeudi 9 avril 2009 à 18h00.

Asger Jorn, un artiste révolutionnaire conséquent

Considéré comme le plus important peintre danois du xxe siècle, fondateur du mouvement CoBrA et l’un des premiers animateurs de l’Internationale situationniste, Asger Jorn (1914-1973) n’a jamais abandonné ses positions révolutionnaires, sociales comme esthétiques. 

 

 

Sans avoir toujours l’ampleur de ses créations majeures sur toile, qu’elles préparent souvent, les 100 « œuvres sur papier » visibles au Centre Pompidou ont la particularité de provenir du fonds créé par Jorn lui-même, dès 1953, pour le petit musée de Silkeborg, ville de son enfance et de son adolescence. Ensuite, avec le peu d’argent qu’il gagna pendant les vingt ans précédant sa mort, il ne cessa de l’enrichir de pièces « bon marché » – objets trouvés ou acquis à bon compte, gravures, dessins obtenus par échanges (150 artistes, dont Michaux, Alechinsky, Matta, etc.), productions personnelles aussi –, afin de permettre aux habitants de cette ville moyenne du Jutland de s’informer des récents développements de l’art européen, ou de retrouver trace des vieux arts populaires scandinaves.

Cette généreuse entreprise d’éducation populaire semble lui avoir été inspirée non seulement par ses parents instituteurs (comme il se prépara à l’être lui-même) mais par la fréquentation de Christian Christensen (1882-1960), syndicaliste révolutionnaire, principal animateur de l’extrême gauche danoise entre 1910 et 1921, date à laquelle il rejoignit le parti communiste danois, avant d’entrer dans l’opposition antistalinienne au moment des procès de Moscou. Moment où Jorn devint son ami, ou son disciple… et moment aussi où Jorn quitta tout pour venir étudier la peinture à Paris. Auprès de Kandinsky, aurait-il souhaité. Ce fut auprès de Fernand Léger, de qui il apprit beaucoup, tout en se livrant à des essais personnels d’abord inspirés de Miro et des surréalistes et, plus tard, de Dubuffet, avant d’en venir à ce qu’il dénommait l’« abstraction spontanée ».

Ce cheminement, souvent payé d’un grand dénuement matériel, que retracent cette exposition chronologique et son catalogue intéressant et de lecture aisée, les essais de Jorn traduits en français (Discours aux pingouins et autres écrits, 2001) en marquent nettement les dimensions révolutionnaires : « La valeur sociale d*fune œuvre d*fart est toujours ce que les gens voient là-dedans […] et cela indépendamment des pressions intellectuelles et autres qui pourraient les forcer à voir ceci ou cela*c » Cette exposition est une belle occasion de mettre à l’épreuve ces assertions, et peut-être même de commencer à entrevoir comment l’art pourrait être fait par tous. 

Gilles Bounoure 

• Exposition « Asger Jorn : œuvres sur papier », Centre Pompidou, jusqu’au 11 mai.