Publié le Lundi 1 juin 2009 à 21h58.

Corée : bombe à retardement 

Héritage des années 1950, la division de la Corée pèse aujourd'hui comme une bombe à retardement sur la situation en Asie du Nord-Est. 

 

 

La tension est de nouveau très vive dans la péninsule coréenne, après que la Corée du Nord a procédé à un second test nucléaire et au tir expérimental de missiles, puis a déclaré ne plus être liée par les accords d'armistice ayant mis fin à la guerre de 1953. Conjoncturellement, la crise actuelle semble provoquée par l'évolution de la situation dans les deux parties de ce pays, divisé depuis 56 ans. Au Sud, le nouveau président Lee Myung-Bak, élu en février 2008, a rompu avec la politique d'ouverture à l'égard du Nord menée par son prédécesseur, conforté dans son choix par la « fermeté » affichée par l'administration Obama. Au Nord, l'état de santé du président Kim Jong-Il se serait détérioré au point de poser la question de sa succession, ouvrant une période de fragilité.  Dans ces conditions, Pyongyang (capitale du Nord) aurait décidé d'engager une nouvelle « partie de poker » diplomatique afin d'obliger les Etats-Unis à faire plus de concessions. Le « chantage » nord-coréen viserait aussi à forcer le soutien de Pékin, qui traîne aujourd'hui son alliance avec Pyongyang comme un boulet.

Si la « diplomatie du chantage » peut marcher, c'est que la péninsule coréenne occupe une position géostratégique clé en Asie du Nord-Est, l'une des régions les plus militarisées du monde (près de 30000 soldats US sont basés dans le Sud) : la Chine, la Russie, le Japon et les Etats-Unis sont directement impliqués. Encore récemment, la tension latente a laissé place à des affrontements directs entre les deux Corées, sur leur frontière maritime en 1999 et 2002. Une crise « chaude » de grande ampleur aurait des répercussions difficiles à mesurer, modifiant les rapports de forces entre puissances dans cette partie du monde. Quoique Pékin et Moscou pensent du régime nord-coréen, ils ne peuvent rester indifférents, alors que l'axe nippo-étasunien pourrait profiter d'une telle crise. L'alliance militaire entre Washington et Tokyo représente en effet une très lourde menace à moyen terme.

Malgré l'intégration de la Chine et de la Russie dans le marché capitaliste mondial, la situation coréenne est restée « gelée », tant les enjeux régionaux sont grands et les résultats d'une crise hasardeux. Mais on peut atteindre demain un point de rupture dans cet équilibre instable. Pour des raisons internes à la péninsule : le régime nord-coréen est-il près de s'effondrer ou le ciment nationaliste tient-il encore ? Pour des raisons externes aussi : le régime japonais souffle également sur le feu du nationalisme pour prétendre accéder au rang de grande puissance militaire, et non plus seulement économique, jusqu'à se doter de l'arme atomique. L'Asie du Nord-Est est devenue un foyer de prolifération nucléaire et de course aux armements, à l'instar de l'Asie du Sud et de l'Ouest (Inde, Pakistan, Afghanistan). L'enjeu d'une crise en devient mondial.