Depuis 1893, à Gardanne, l’industrie de production d’aluminium extrait l’alumine de la bauxite. Une opération très polluante (utilisation de soude caustique à haute température) qui génère quantité de boues rouges radioactives et polluées.
En 1966, dépassé par les stocks de bauxite entreposés sur le sol, l’exploitant a eu l’autorisation de les déverser dans la fosse marine de Cassidaigne, au cœur du parc naturel des Calanques. Quelques dizaines de millions de tonnes de boues rouges sont ainsi passées par une grosse canalisation sur 47 kilomètres, le long de la route, jusqu’au rivage de Cassis, avant de s’enfoncer vers le canyon sous-marin de Cassidaigne, par 320 mètres de fond. Vingt millions de tonnes de sédiments se sont ainsi accumulées au cœur du parc national des Calanques, sans compter tout ce qui a débordé et s’étale, en couche plus ou moins épaisse, du golfe de Fos à la rade de Toulon.
On dirait qu’ça t’gêne de marcher dans les boues !
Ces boues sont extrêmement toxiques. D’un pH trop élevé, avec des taux en aluminium, en arsenic et en fer dépassent les seuils légaux, elles brûlent les tissus et attaquent les organismes. Leur pollution aux métaux lourds (plomb, mercure, cadmium, chrome…) se mesure sur le long terme.
En 1995, Alteo a obtenu un délai de 20 ans pour faire cesser les rejets. En effet, la France ayant signé, en 1976 à Barcelone, la Convention pour la protection de la mer Méditerranée contre les pollutions, les boues commençaient à faire vraiment tache !
Mais en 2014, l’exploitant impose sa solution : séparer les éléments solides et liquides de ces boues grâce à un système de filtres-presse qui prétendument permet la valorisation des déchets. Miracle de l’« économie circulaire », les boues rouges deviennent alors de la Bauxaline, une matière première étanche utilisée comme remblai. La Bauxaline séduit les élus locaux de tout bord qui, en experts de rien du tout, se contentent des études fournies par l’exploitant ! Le hic est venu de la Commission européenne qui autorisait la commercialisation de la Bauxaline à condition que les concentrations en thorium et uranium ne dépassent pas un indice inférieur ou égal à 1. Or, selon la Criirad, laboratoire indépendant, l’indice de la Bauxaline serait compris entre 2 et 4. Pour la vendre à des constructeurs de routes ou d’« ouvrages d’art », Alteo devait impérativement faire baisser la radioactivité en la mélangeant à d’autres substrats. Si l’on ajoute le coût du transport, on voit tout de suite la nullité du projet.
Tripatouillages politiques et chipotages médiatiques
Pour déshydrater les boues, Alteo s’est équipé de 3 filtres-presse, payés à moitié par l’Agence de l’eau Rhône-Méditerranée-Corse (15 millions d’euros), une agence qui a aussi soutenu en 2012 un amendement taillé sur mesure de la loi de finances qui a permis de faire passer la redevance eau d’Alteo de 13 millions d’euros à 2,6 millions pour 2014 ! Quand le robinet est ouvert, l’argent public coule à flots pour les patrons !
La société Aluminium Pechiney, propriétaire de la canalisation, a demandé à la préfecture une nouvelle concession de trente ans, tandis qu’Alteo a obtenu, en décembre 2015, l’autorisation de déverser en mer, jusque fin 2021, 84 tonnes de boues sous forme d’effluents liquides. Un scandale pour les associations qui dénoncent les dépassements toxiques et polluants toujours contenus dans ces rejets liquides.
Ségolène Royal claironne son opposition aux rejets des boues et affirme que c’est Valls qui en a décidé la prolongation jusqu’en 2022. Bravache, elle affirme : « Je ne lâcherai pas ce dossier ». Mais monsieur « Je gouverne, je décide » (sic !) lui a rétorqué que la décision de poursuivre l’activité d’Alteo permet « à l’activité économique et à des milliers d’emplois d’être préservés ». En attendant l’épisode 35 de la série 7, on tremble ! Leurs chicaneries de façade ne doivent pas masquer que l’État qui devrait servir l’intérêt public, est au service des intérêts privés.
Emploi ou écologie : sortons du piège !
Le chantage à l’emploi est toujours le prétexte pour les capitalistes de continuer leurs activités, en se contrefichant des conséquences tant pour les habitantEs, les salariéEs et l’environnement. Qui se soucie des 400 employéEs d’Alteo et de ses 250 sous-traitants ? Qui se soucie des pêcheurs qui n’exercent plus leur activité dans la zone polluée ? Qui se soucie de la situation sanitaire locale ? Certainement pas Pechiney, Valls et Royal !
La dangerosité de certaines productions devrait être discutée par les salariéEs et les usagerEs. De même que les questions : quoi produire ? Comment ? Où ? La reconversion des emplois permettrait d’éviter le piège tendu par les capitalistes, dans des domaines dangereux ou inutiles (publicité, armement, nucléaire…), de choisir entre sauver son emploi ou sauver la planète (et ses occupantEs !). Personne ne doit perdre sa vie à la gagner.
Commission nationale écologie