Esther Vivas, militante altermondialiste, a participé à différents mouvements dans l´État espagnol, divers pays en Europe, des Forums sociaux européens et mondiaux, des mobilisations anti-sommets internationaux – G8, l´OMC, l'Otan… Elle fait partie de l´organisation Izquierda Anticapitalista et de Revolta global en Catalogne, auteure de Del campo al plato (Icaria editorial, 2009) et Supermercados, no gracias (Icaria editorial, 2007). Sa présence au Forum social thématique (FST) à Porto Alegre a enrichi les débats sur l'écosocialisme, sur les IndignéEs en Catalogne. Tout est à nous ! a voulu faire partager ses impressions aux camarades qui sont restéEs en France. Elle nous fait part de l´état d´esprit des participantEs du FST, des enjeux de Rio+20, face à la détermination des gouvernements du Sommet Rio 2012 en juin prochain. L’un des enjeux les plus importants que nous avons vus à ce Forum social thématique ici, a été d’établir une route de Porto Alegre à Rio+20, une route qui est aussi en train de se construire depuis le sommet alternatif aux négociations des Nations unies à Durban. Il est aussi nécessaire de dénoncer l’économie verte, le capitalisme vert, qui cherche à transformer les biens communs et les ressources naturelles en marchandises. Ces questions sont centrales ici en Amérique latine, mais aussi dans d’autres pays du Sud. Mais au-delà de ce thème, une autre question fondamentale est de savoir comment intégrer les nouveaux cycles de luttes, les nouveaux mouvements sociaux issus du Printemps arabe, ensuite des IndignéEs en Europe, des expériences d’Occupy Wall Street, etc., à la centralité de la question écologique, climatique et environnementale. Mais aussi, comment nous intégrons cette lutte pour la justice sociale contre la crise et contre la dette, contre les privatisations en marche, qui se réalisent en Europe, aux États-Unis, avec la lutte pour la justice climatique que nous sommes en train de mener en Amérique latine et dans d´autres pays du Sud. Par conséquent, le grand enjeu est d´intégrer la lutte pour la justice sociale à la lutte pour la justice climatique.
Les peuples indigènes qui résistent face aux luttes contre la spoliation de leurs ressources naturelles, contre les impacts environnementaux très graves causés par les multinationales dans leurs territoires, doivent jouer un rôle clé dans les mobilisations de Rio+20, et devant la guerre sociale et politique. Nous devons être capables d’inclure les contributions qu’ils nous offrent sur le « buen vivir », les apports qu’ils nous présentent sur les relations entre les sociétés, sur les droits sur la terre, sans tomber dans l’idéalisme gratuit, démontrant qu’ils sont aussi capables d´intégrer leurs perspectives et leurs revendications.
Du point de vue des participantEs du FST, à Porto Alegre, ils sont des activistes sociaux, des militants sociaux, et cela nous a donné l´opportunité d´échanger des expériences, de chercher des convergences entre les mouvements sociaux, ce qui est un élément très important. Je crois que du dernier Forum social mondial à Dakar à ce Forum social thématique, il s´est passé un an pendant lequel l´indignation, le malaise, les révoltes populaires ont secoué une partie très importante de la planète, notamment l’Europe. C’est palpable maintenant et ici dans ce FST. Les gens sont en train de reprendre confiance en l´action collective permettant de changer les choses. Il y a un esprit de lutte positive face à cette crise écologique, sociale, économique que nous affrontons.
En outre, il est fondamental que les succès des mouvements sociaux, des organisations syndicales et politiques aussi en Europe, puissent faire partie de notre agenda, qu’ils soient parties prenantes de notre rendez-vous à Rio+20. La crise climatique et écologique est un élément central de l´actuelle crise du système capitaliste parce qu’elle menace la vie dans la planète. Par conséquent, il faut l’intégrer dans nos analyses, dans nos mobilisations. Cependant, le fait est qu’en Europe, ce qui est au centre du calendrier politique maintenant, c’est la lutte contre les suppressions d´emplois, pour les salaires, la lutte contre la dette et l´austérité, contre les privatisations, ce qui, paradoxalement, étaient des thèmes centraux en Amérique latine et dans les pays du Sud au cours des années 1980-1990-2000. Malgré ce calendrier marqué par les luttes contre la profonde crise sociale et économique, nous devons être capables de faire le lien entre ces luttes et celle contre la crise écologique et climatique, car les deux sont définitivement et extrêmement liées.
La lutte contre le capitalisme est une lutte contre le système productiviste qui ne prend pas en compte les limites de la planète Terre. Par conséquent, nous devons avoir une stratégie de lutte anticapitaliste, mais aussi profondément socialiste.
Propos recueillis par Bea Whitaker