Les amas d’algues vertes, reposant sur le sable au soleil, entrent en putréfaction, entraînant des émanations d’hydrogène sulfuré (H2S). Ce gaz est mortel.
On le sait depuis des décennies, grâce aux études épidémiologiques menées sur les égoutiers de Paris. Alors un conseil, si vous allez en vacances en Bretagne (mais aussi sur les côtes de Normandie, de Vendée, de Galice, de Chine), si vous voyez des échouages d’algues vertes, passez votre chemin. Si elles ont séché, qu’elles offrent une épaisseur de plusieurs centimètres, couverte d’une croûte de couleur beige, partez en courant !
On le sait de façon certaine : plusieurs militantEs des associations anti-marées vertes arpentent les grèves et, muniEs de masque à gaz, d’une pelle et d’un capteur, ont fait depuis longtemps la démonstration que la concentration de H2S sur les plages bretonnes est de nature à causer de graves dommages, jusqu’à la mort !
Seuls l’État, les préfets, les éluEs du Conseil régional, les responsables de l’agrobusiness continuaient de mentir, de véhiculer la fable selon laquelle jamais aucun décès n’avait pu être imputé aux émanations de H2S issues des algues vertes. Ils vont devoir se faire discret !
Une bonne nouvelle...
Petit à petit, la justice fait son chemin. La cour administrative d’appel de Nantes avait déjà reconnu, le 21 juillet 2014, que le décès d’un cheval en baie de Plestin-les-Grèves était dû au H2S. Elle avait alors retenu « la responsabilité de la puissance publique du fait de la prolifération des algues vertes, en raison de ses carences à mettre en œuvre de manière suffisamment efficace les règles nationales et européennes relatives à la protection des eaux contre les pollutions d’origine agricole, pollutions qui sont la cause principale des marées vertes »
Cette fois, la même cour vient de reconnaître, dans les mêmes termes, à la fois la responsabilité de l’État et le lien direct entre le décès de Jean-René Auffray et la présence de H2S émanant des amas d’algues vertes en baie de Saint-Brieuc. Son cas est au cœur de la BD et du film d’Ines Léraud, Algues vertes, l’histoire interdite.
Dans son exposé du 5 juin 2025, le rapporteur public a de nouveau mis en avant les « carences de l’État » responsables de « Cette contamination aux algues vertes (qui) n’aurait pas eu une telle ampleur s’il n’y avait pas eu de tels manquements depuis des décennies », et il mentionne une « inaction fautive » de l’État.
…et ses limites
Le tribunal a suivi ces recommandations et a décidé d’indemniser la famille de la victime. Malheureusement, le tribunal ne reconnaît la responsabilité de l’État qu’à hauteur de 60 %, considérant que la victime a fait preuve d’imprudence. Sans commentaire.
Pour autant, le fait que la catastrophe écologique – qui a provoqué mort d’homme – soit ici reconnue pour son lien à l’élevage intensif et aux épandages de lisiers et d’intrants sur les terres agricoles constitue une victoire très importante pour celleux qui se battent contre le fléau des algues vertes. Cette décision va les encourager dans leurs luttes, et plusieurs autres recours sont d’ores et déjà déposés, notamment pour écocide.
Malgré tout, l’État continue à se moquer royalement du monde, poursuit son déni, affiche son mépris ! Il n’a même pas jugé utile de se faire représenter à l’audience, et la réaction du préfet des Côtes-d’Armor, qui se contente de « prendre acte » de la décision du tribunal, laisse planer la menace d’un recours supplémentaire.
Autre mauvais signal, le récent passage de Yaël Braun-Pivet à Hillion, pour rencontrer les macronistes locaux, en promotrice de la valorisation des algues vertes. Or les associations ne veulent pas en entendre parler : ce qu’on veut, c’est éradiquer les algues vertes, pas en faire une source de profit ! Enfin, la mauvaise nouvelle annuelle : l’état de nos plages en ce début juillet.
Vincent Gibelin