Publié le Mardi 6 décembre 2022 à 08h00.

Les projets de méga-bassines, phase ultime et criminelle de l’agro-industrie

Les projets de méga-bassines, cratères à ciel ouvert pouvant stocker jusqu’à 650 000 m3 d’eau (soit 260 piscines olympiques), creusées dans des sols agricoles fertiles, constituent l’un des plus grands dangers écologiques car ils s’attaquent à l’eau et donc à la vie de l’espèce humaine comme à la vie de toutes les autres espèces, nombreuses et en danger d’extinction.

 

Jusqu’aux années 50, toute la région qui s’étend du Sud Vendée (85) au Sud Poitou (86/79) en passant par le Nord des deux Charentes (16/17) était constituée d’un paysage de bocages et de courtes prairies enserrées de haies profondes qui savaient retenir l’humidité. Des milliers de petites fermes pratiquaient une polyculture « raisonnée » et de l’élevage. Certes, la situation financière de ces petites exploitations n’était pas florissante mais au moins les campagnes vivaient et fournissaient aux villes des produits de qualité (légumes, laitage, fruits, etc.). Les années 50/60, grâce aux premiers fonds de l’agro-industrie européenne, ont entrepris de casser ce modèle vertueux pour le remplacer par un modèle rentable et destructeur de biosystème, avec l’utilisation de moteurs et de chimie à outrance. Cela a détérioré les sols. Puis le Crédit Agricole, allié aux chambres d’agriculture et à la FNSEA, va entreprendre un vaste remembrement qui conduira à la disparition des 3/4 des petites exploitations.

Dès les années 70, la culture intensive de blé et de maïs allait demander de plus en plus d’eau. Dès lors, sans vergogne, nos agro-industriels allaient pomper directement dans les cours d’eau et les nappes phréatiques amplifiant encore le phénomène de sécheresse et d’aridité de la terre. Qu’importe, les industries chimiques allaient fournir de nouveaux engrais et les pesticides. La vie disparaît alors un peu plus dans la région et le Marais Poitevin (dit Venise Verte) a perdu beaucoup de sa taille. Qu’à cela ne tienne, il faut continuer à nourrir les élevages intensifs d’animaux élevés en batterie dans des conditions inhumaines.

Les associations de défense de l’environnement, de l’eau, des oiseaux se révoltent et finissent par trouver l’oreille de scientifiques respectéEs. Les pompages connaissent des interdictions, des contrôles et nos gros pollueurs de l’agro-industrie et l’État décident de lancer les méga-bassines.

Qu’est-ce qu’une bassine ?

Une bassine est un cratère à ciel ouvert. Les responsables du projet sont censés pomper l’eau des nappes phréatiques l’hiver avant de la restituer pour l’irrigation d’été quand il ne pleut pas. Ils expliquent que par cette méthode, ils prélèvent moins d’eau que dans l’ancien système de pompage. C’est bien sûr archi-faux ! Et les manifestantEs qui, pour tromper le dispositif policier, empruntèrent le lit à sec de la rivière Mignon en novembre 2021 s’en rendirent bien compte.

Le stockage de l’eau en surface n’a pas de sens car cette opération amplifie l’assèchement des sols, brise la continuité écologique et perturbe le cycle de l’eau. De plus, la réserve stockée connaît un taux d’évaporation de plus de 20 % et l’eau, stagnante dans les tuyaux et en surface, développe des cyanobactéries, ce qui vient amplifier l’effet des pesticides et autres intrants chimiques de cette agro-industrie mortifère qui pollue les nappes et rivières. C’est un cercle vicieux.

En réalité, les bassines sont avant tout un véritable gouffre financier, payées par les deniers publics. Le devis pour la bassine de Sainte-Soline (79) est estimé à plus de 70 millions d’euros pour desservir 6 à 8 fermes de l’agro-industrie tandis que les autres devront continuer à pomper dans les nappes… vides. C’est l’iniquité totale et le risque vérifié cet été de couper l’eau potable à de nombreuses villes et villages. La sécheresse globale va empirer ce phénomène et le manque d’eau concernera aussi les habitantEs. C’est la privatisation de l’eau pour une minorité, sans compter aussi l’argent public mis dans la répression afin de protéger les bassines.

Une lutte de masse

C’est dans ce contexte que la lutte contre les bassines s’est construite. Rassemblant des dizaines d’organisations et des milliers d’opposantEs, plusieurs énormes manifestations ont déjà eu lieu en pleine campagne. Tout un tas d’autres actions sont organisées. Mêlant toutes les générations et l’ensemble de la gauche sociale et politique (à l’exception de LO), mêlant mouvement de masse et sabotage des outils de destruction, les militantEs

réalisent ce que nous avons du mal à faire dans d’autres secteurs, c’est-à-dire une démarche ouverte, unitaire, et radicalement anticapitaliste. C’est une véritable source d’inspiration pour celles et ceux qui veulent changer le monde.