Depuis le 7 novembre, la ville de Marrakech accueille la COP22 jusqu’au 18. La ville est saturée de messages sur le climat, le développement durable, les énergies renouvelables. Banques, bus et taxis, tous les bâtiments publics et même les mosquées, rien n’y échappe... Jusqu’aux roues des calèches pour les touristes ornées de la rosace, emblème de la COP22.
Mais dès que l’on quitte la zone des banques et des grands hôtels, la COP semble bien lointaine.
Dénoncer la hogra
Qu’en est-il pour les secteurs militants, celles et ceux qui résistent et se battent au Maroc ? Les jours qui ont précédé l’ouverture de la COP ont été marqués par les événements d’Al-Hoceima où est mort dans des circonstances atroces et révoltantes Mouhcine Fikri, happé et broyé par la benne à ordure dans laquelle sa marchandise saisie avait été détruite. Des milliers de manifestantEs ont dénoncé la « hogra » – humiliation, injustice, arbitraire du pouvoir – dans les rues de toutes les grandes villes. Le ministre de l’Intérieur marocain s’est empressé de déclarer « L’État ne peut pas être considéré comme directement responsable de ce décès, mais l’État a la responsabilité d’établir les fautes et de les sanctionner », tentant d’éteindre la contestation qui risquait de gâcher la fête de la COP. Mais vendredi 11 novembre, une manifestation a encore eu lieu à Al-Hoceima.
C’est cette même hogra que dénoncent les jeunes diploméEs de l’enseignement qui occupent, et pour certains observent une grève de la faim, la très fréquentée place Jemaa el-Fna. Ils font partie de ces 10 000 jeunes, diplômés dans le cadre d’un programme gouvernemental de formation d’enseignantEs, qui se voient condamnés à la précarité par un gouvernement qui ne tient pas ses engagements. En lutte depuis 7 mois, ils et elles refusent le gaspillage de l’argent public : 161 millions de dirhams (environ 15 millions d’euros) qui ne bénéficieront pas à l’enseignement public qui en a tant besoin, mais fourniront une main-d’œuvre précaire au secteur privé choyé par le pouvoir.
Vingt ans de lutte
Pour l’assemblée mondiale Amazighe, qui tenait un rassemblement le 12 novembre, la COP offre l’occasion de donner de la visibilité à son combat pour les droits démocratiques et culturels des populations Amazighes et de dénoncer la répression et la spoliations des terres dont elles sont les victimes.
à 300 kilomètres de la COP, et surtout en complète contradiction avec le discours officiel, les indignéEs d’Imider continuent leur combat contre l’administration de la mine d’argent locale exploitée par une filiale de la compagnie royale Managem. L’exploitation de la mine provoque à la fois une pénurie d’eau et une grave pollution par les rejets toxiques des excavations.
Occupations et coupures des tuyaux qui fournissent la mine en eau durent depuis 20 ans. Une lutte dans laquelle les femmes occupent une place centrale. C’est sous la forme d’une vidéo qu’ils et elles entendent se rappeler au monde.
« Pour la justice sociale et climatique »
Dans la marche pour le climat du dimanche 13 novembre se côtoyaient des forces avec des positionnements très différents à l’égard de la COP. L’officielle Coalition marocaine pour une justice climatique, qui regroupe ce qu’il est convenu d’appeler la société civile et les organisations syndicales, comptait aussi de nombreuses délégations étrangères des organisations internationales.
Beaucoup plus critique, la première moitié de la marche rassemblait la gauche marocaine dans ses diverses composantes. RedaCOP22 (réseau démocratique d’accompagnement de la COP22) a été constitué par l’AMDH (Association marocaine des droits humains) et Attac Maroc après avoir quitté la coalition officielle. Attac Maroc et le CADTM ont organisé une rencontre internationale les 4 et 5 novembre à Safi, ville symbole de la destruction du capitalisme industriel, sous le thème « Changeons le système pas le climat ».
La Coordination régionale environnement et Écologie Marrakech-Safi est un groupe de militantEs se réclamant de l’écologie politique radicale, à l’initiative d’un espace alternatif, indépendant de la COP, et d’une conférence sur les alternatives à la crise écologique. Contre le double discours du pouvoir marocain qui, « après des décennies de politiques de prédation, d’épuisement des sols et de pollution », s’apprête à installer, entre autres projets destructeurs, une nouvelle centrale thermique au charbon, il lance un appel à « la mobilisation nationale et internationale pour la justice sociale et climatique », pour « la convergence des luttes sociales et écologiques, l’unité et la solidarité internationale ».
De Marrakech, Christine Poupin