Du 7 au 18 décembre, se tient à Copenhague la conférence des Nations unies contre le réchauffement climatique dont le but est de déterminer des objectifs et des solutions internationales. Il est d’ores et déjà entendu que ce sommet, loin de « sauver la planète », aboutira à un échec supplémentaire, avec des résultats comparables à ceux de Rio en 1992, de Kyoto en 1996, et des suivants : promesses non tenues, objectifs non atteints, et de toute façon, ambitions insuffisantes.
Alors que tous les signaux d’un échec de Copenhague sont devant nos yeux, les chefs d’État jouent leurs partitions chacun de leur côté. Obama désormais s’engage : il annonce finalement qu’il assistera à la clôture du sommet et fixe des objectifs de réduction d’émissions de gaz à effet de serre pour les États-Unis : 17 % en 2020, puis 30 % en 2025 et 42 % en 2030 par rapport aux niveaux de 2005.Or, tous les objectifs fixés par le GIEC sont basés sur l’année 1990 ; l’objectif d’Obama par rapport à 1990 n’est en réalité que de 4 %, bien loin des 25 à 40 % préconisés par le GIEC. Le Parlement européen vient d’adopter un texte, avec l’aval de la plupart des députés d’Europe Écologie, qui classe le nucléaire parmi les énergies à même de répondre à la crise climatique et qui souhaite une extension de la finance carbone.
Quant à Sarkozy, il s’agite, mais ses négociations avec Lula n’aboutissent à rien de précis, seulement des intentions de bonne volonté, à l’image sans doute de la déclaration finale du sommet de Copenhague. Mais en Inde, il cherche à placer quelques réacteurs nucléaires. Les dirigeants indiens ont prévenu quant à eux qu’ils ne feraient rien tant que les pays du Nord n’auront pas réduit leurs émissions de 40 %, position que l’on peut comprendre, mais qui semble surtout servir de prétexte pour ne rien faire, compte tenu de l’immobilisme des puissances industrielles. L’incapacité des États à conjurer les périls nécessite de vastes mobilisations des peuples qui ne veulent pas subir les conséquences de cette incurie.Marchandisation du climatConfrontés à une des plus graves crises écologiques de l’histoire de l’humanité, les puissants, totalement acquis aux dogmes libéraux et aux sirènes du marché, vont encore une fois tenter de nous imposer des mécanismes marchands pour lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. C’est donc l’atmosphère qui va cette fois être privatisée ! Les industriels des pays riches s’en frottent déjà les mains… Eux qui ont réussi à s’enrichir par milliards grâce aux quotas d’émission mis en place après la ratification du Protocole de Kyoto, voient arriver avec gourmandise le prochain accord international et l’extension du marché du carbone à de nouveaux secteurs (les forêts, le nucléaire, le « charbon propre ») et de nouveaux pays. Le capitalisme est le responsable de la crise que nous connaissons aujourd’hui. Nous ne pouvons donc rien attendre de ses fausses solutions. Elles ne sont qu’une fuite en avant, elles ne permettent pas de diminuer les émissions de gaz à effet de serre, elles aggravent les inégalités, et finalement elles nous font perdre un temps précieux dans la nécessaire lutte pour la sauvegarde du climat. Illusion technologiqueOn assure que la science trouvera une solution au réchauffement comme aux déchets radioactifs. Le nucléaire est donné pour une énergie « propre », alors que les déchets sont une grave source de contamination. Les agrocarburants ont pour principal effet d’augmenter l’utilisation de pesticides et la déforestation et de remplir les réservoirs des riches avec la nourriture des pauvres. L’exploitation des sables bitumineux (pétrole), met en œuvre des procédés complexes, pollue d’immenses quantités d’eau et consomme plus d’énergie qu’ils n’en produisent. La séquestration du carbone en sous-sol aboutirait à creuser sous nos pieds un monde souterrain, et pour quel résultat, puisque les capacités de stockage resteront nécessairement limitées alors que la fringale de pétrole, elle, semble insatiable ? Sans parler des trouvailles plus ou moins farfelues : couvrir le ciel de miroirs ou de parasols pour renvoyer la chaleur vers l’univers, jeter de la limaille de fer dans les océans ou du soufre dans l’espace pour piéger le carbone, qui laissent croire que la solution est d’abord une affaire technique. Une alternative énergétique ne peut au contraire passer que par une diminution radicale de l’énergie consommée et produite, en premier lieu dans les pays industrialisés. Plan d’urgenceFace aux fausses solutions avancées par les puissants, nous devons porter un programme d’urgence sociale et écologique qui marque une rupture avec le système capitaliste et cherche à répondre aux besoins sociaux élémentaires de la population. Les choix opérés pour les transports, l’agriculture, le logement ou l’énergie, nous engagent pour des dizaines d’années. C’est donc dès aujourd’hui que ces ruptures sont à effectuer.Par exemple, dans le secteur du bâtiment, il s’agit de répondre à la grave crise du logement en lançant la construction de milliers de logements sociaux dans les centre-ville, ce qui diminuerait les déplacements en voiture, pour les ménages. Leur conception écologique permettrait d’éviter de lourdes factures de chauffage. Un tel plan mettrait en œuvre un grand chantier de réhabilitation des logements existants pour diminuer drastiquement leurs consommations de chauffage et développer les énergies renouvelables (solaire, biomasse…). Mais pour être exécuté de manière juste et efficace, ce plan doit être pris en charge par la collectivité et financé par les profits des groupes énergétiques. Un grand service public du logement serait créé afin de mener à bien ce projet à la fois social et écologique. Alternative solaireLe développement des énergies renouvelables est un mot d’ordre aujourd’hui défendu par tous les pays et toutes les grandes entreprises, y compris les plus irresponsables sur le plan écologique. On entend notamment des discours plein d’emphase sur la conversion de nos sociétés à l’énergie solaire qui se basent sur une réalité : l’énergie solaire est abondante, disponible dans toutes les régions du monde et largement suffisante pour couvrir l’intégralité des besoins de l’humanité (le rayonnement solaire arrivant sur Terre en un an représente 3 000 fois nos consommations d’énergie). Mais ne nous y trompons pas, leur solaire n’est pas le nôtre !
Les grandes puissances capitalistes cherchent aujourd’hui à s’accaparer une ressource qui, par nature, pouvait sembler difficilement appropriable. C’est pourquoi les projets soutenus par les grandes entreprises sont aujourd’hui pharaoniques. Un seul exemple, le projet DeserTec lancé par un consortium allemand, consiste à installer dans le désert du Sahara d’immenses usines de production d’électricité, qui serait acheminée vers l’Europe. Un projet purement productiviste avec un arrière-goût nauséabond de colonialisme… Le solaire est effectivement la principale alternative renouvelable aux énergies fossiles et de son développement massif dépendra notre capacité à limiter la catastrophe climatique. Mais pour allier réponse à la crise écologique et justice sociale, il faudra penser le développement du solaire de manière très différente.
Tout d’abord, l’énergie solaire ne peut pas être le joker technologique nous permettant de poursuivre notre fuite en avant. La réduction drastique des consommations énergétiques est un préalable indispensable à un développement efficace du solaire. Ensuite, pour être maîtrisée et contrôlée par les usagers, cette source d’énergie doit être décentralisée. Cela signifie qu’il faut en finir avec la conception ultra-centralisée de notre système énergétique. Enfin, pour garantir une solidarité Nord/Sud, les technologies solaires doivent être transférées gratuitement, en dehors de toute notion de brevet, aux pays les moins développés afin de leur permettre un accès à l’énergie et de leur garantir un droit au développement. Droits des salariésRépondre réellement à la crise climatique implique une transformation des modes de production et donc du système industriel. Il faut dire clairement qu’à terme, des industries devront fermer. Mais cela n’implique pas que les salariés de ces entreprises seront mis au chômage. Bien au contraire, un tel processus s’appuirait sur les choix et les savoir-faire des salariés, en leur garantissant leur statut, leurs salaires et un droit à la formation rémunérée. Pour aller plus loin, des politiques capables d’imposer de nouveaux droits face au patronat, permettront également de repenser le travail en lui-même : réduction massive du temps de travail, pour ne pas perdre sa vie à la gagner, organisation collective du travail, articulation entre choix politiques pour la production et organisation du travail au sein des entreprises... Services publicsAfin de transformer les modes de production et de consommation, et de répondre aux besoins sociaux et environnementaux, il est nécessaire d’ôter des mains du privé et de la loi de la concurrence les principaux secteurs économiques. En effet, la logique de la concurrence empêche toute planification démocratiquement définie et il s’agit d’assurer dans le même temps la transition énergétique, et les réponses aux besoins et droits des salariés, toutes choses incompatibles avec la marchandisation promue par les entreprises privées.
En matière énergétique, il faut donc s’orienter vers la nationalisation des grands groupes du secteur. Mais créer une nouvelle entreprise publique ne suffira pas, l’histoire d’EDF le prouve. Un nouveau service public de l’énergie devra être décentralisé afin de rapprocher les centres de production de ceux de consommation, et remplir des tâches à la fois d’économies d’énergie, et de développement massif des énergies propres, donc sans nucléaire.
Même raisonnement pour le transport. Pour les passagers, la gratuité, dans un premier temps des transports de proximité, permettrait de repenser l’usage de la voiture individuelle à condition que les transports en commun se développent et soient en mesure de remplacer pratiquement le transport individuel. Pour les marchandises, plutôt que de fermer les gares et de construire des autoroutes, un service public du rail et des voies d’eau organiserait un maillage dense du territoire, le développement du fret-ferroutage et l’interdiction des transports longue distance de marchandises par la route.
Ce qui implique d’autres transformations, orientées par une relocalisation de la production, une réorganisation du territoire permettant de rapprocher lieux de travail et d’habitat, transformation et distribution alimentaire… S’il est nécessaire de saisir les enjeux précis des négociations en cours, en particulier pour dénoncer la montée en force des mécanismes marchands et de la finance carbone, la question climatique ne peut se résumer à un jeu entre États et multinationales. L’écologie anticapitaliste doit être à même de fournir les pistes d’un changement global de société. En effet la crise climatique n’est pas un moment passager, elle impose donc de transformer radicalement l’économie et la répartition des richesses, mais également la façon de produire ainsi que les choix énergétiques. « Dé-carboner » l’économie impose une baisse drastique de la consommation énergétique et ne peut se faire au détriment des besoins sociaux ni des droits des peuples et des salariés.
Il importe alors de remettre en centre du jeu la démocratie jusqu’au bout : qui décide de ce qu’il faut produire, comment, pour répondre à quels besoins, en fonction de quels impératifs et de quelle organisation du travail ? Mais également, comment doit-on se chauffer, se transporter, organiser les territoires… Toutes questions qui aujourd’hui sont laissées aux mains de quelques dirigeants, d’États ou d’entreprises, qu’il faut se réapproprier collectivement.
L’année 2009 a vu l’émergence d’un mouvement mondial pour l’urgence climatique et la justice sociale, encore fragile et disparate. Il doit dès à présent se consolider et se structurer dans la durée. Car si le réchauffement climatique est déjà là, ses conséquences les plus graves sont encore devant nous.
La manifestation internationale de Copenhague le 12 décembre est un premier pas pour exprimer la réalité de ce mouvement à la face des grands de ce monde. Après Copenhague, tout restera à faire, tous et toutes ensemble.