Pour les dirigeants des principales puissances, à commencer par Nicolas Sarkozy, la question des bonus des traders ressemble beaucoup au sparadrap du Capitaine Haddock : trop collant, pas moyen de s’en débarrasser !
Sur le fond, le niveau exorbitant des rémunérations des traders et des dirigeants des banques n’a sûrement rien qui puisse choquer Sarkozy, l’ami des riches et le farouche défenseur de leurs intérêts. Mais voilà qu’au lieu de se faire discrets, les parasites bancaires étalent avec arrogance leurs promesses de jackpots. Ce qui, évidemment, produit un effet déplorable parmi le bon peuple, par ailleurs invité à payer la facture grâce à ses impôts ! Il faut donc donner le change et faire étalage de « volontarisme », même si les dirigeants français sont, comme leurs homologues européens et nord-américains, bien décidés à ne rien faire. Alors Nicolas Sarkozy et Christine Lagarde multiplient les déclarations vertueuses. Dernier coup de bluff : la lettre adressée à la présidence de l’Union européenne par Nicolas Sarkozy, Angela Merkel et même Gordon Brown, pourtant bien connu pour son opposition à toute forme de contraintes sur le secteur bancaire. Ah, ils ne mâchent pas leurs mots ! Ils l’affirment avec des accents déchirants : « nos concitoyens sont particulièrement choqués par le retour de pratiques condamnables, alors que l’argent des contribuables a été mobilisé au plus fort de la crise pour soutenir le secteur financier ».
Et ensuite ? Ensuite… rien ! Car, bien sûr, aucun des dirigeants européens, sans parler des dirigeants nord-américains, n’a la moindre intention de limiter réellement les bonus des professionnels de la spéculation et des patrons des banques. C’est ce qui ressort de la réunion des ministres des Finances et des patrons des banques centrales qui s’est tenue ce week-end, à Londres, afin de préparer le sommet du G20 à Pittsburgh, fin septembre. Certes, le mot « limitation » figure dans le communiqué final. Mais les médias ont bien été obligés de le reconnaître : il s’agit d’un « accord a minima », autour de quelques « principes » tels que « transparence », « étalement des bonus sur plusieurs années », « non-versement de certaines échéances en cas de mauvaises performances », etc. Mais, aucun projet de mesures vraiment contraignantes. Et chacun de prendre prétexte des réticences ou des oppositions des autres pays pour se résigner – la mort dans l’âme, on n’en doute pas ! – à ne pas toucher au gâteau des responsables de la crise financière. Dans quelques semaines, le sommet du G20 devrait reproduire ce spectacle pitoyable, à l’attention des opinions publiques.
Mais, les discours sur la « moralisation du capitalisme » et les effets de tribune contre les « excès du système » sont démentis par les chiffres. Ainsi, en France, au premier semestre 2009, les 28 plus grandes entreprises ont encaissé 21 milliards d’euros de profits. Et les cinq meilleurs traders s’apprêtent à percevoir chacun… 500 années de salaire moyen ! Manifestement, pendant la crise, les affaires continuent… pour les privilégiés du système.
François Coustal