Ce serait reparti... Selon les dernières prévisions de l’INSEE, la croissance du PIB français atteindrait 1,8% en 2017, au lieu du 1,6% prévu jusqu’ici après trois années de croissance plus modeste autour de 1%. Les enquêtes auprès des entreprises montrent un niveau d’optimisme très élevé. L’activité progresserait dans tous les secteurs. L’investissement des entreprises augmenterait. Seule, la consommation des ménages connaitrait une augmentation moins forte qu’en 2016, bridée par le pouvoir d’achat.
Ce soubresaut de économie française s’inscrirait dans un contexte plus favorable, tant dans la zone Euro qu’au niveau mondial. Le FMI vient également de remonter sa prévision. La directrice générale du Fonds, Christine Lagarde, a ainsi déclaré que « la reprise de l’économie mondiale est en bonne voie, repose sur une large assise et devrait se poursuivre l’année prochaine. »
Finie, la crise ? Pas si sûr : un certain nombre d’analystes loin d’être des critiques du capitalisme mettent l’accent sur l’accumulation des risques dans la sphère financière : dettes et progression exagérée des cours de Bourse : Les Echos notent ainsi que : « Chaque fois que les cours de bourse ont atteint des niveaux équivalents à ce qu’il connaissent aujourd’hui, on a connu des krachs majeurs majeurs, comme en 1929 ou en 2000 avec l’explosion de la bulle internet, rappellent les observateurs. »
On ne peut lire dans le marc de café, mais ce qui est en train de se dérouler ressemble fort à une amélioration conjoncturelle, comme les économies capitalistes en connaissent périodiquement, même en période de ralentissement global. En arrière-plan, les quatre coordonnées essentielles de la situation demeurent. Capitalistes et États à leur service n’ont comme seul horizon que le taux de profit et, au-delà des discours, les réformes structurelles ont comme objectif de le conforter. La compression des salaires, le politiques d’austérité compriment la demande. La banque et la finance en général, cherchent à s’affranchir des faibles régulations publiques mises en place après 2008. Enfin, la mondialisation des marchés et l’internationalisation des grandes entreprises perdurent suscitant des velléités nationalistes dont Donald Trump est la manifestation la plus bruyante.
Amélioration conjoncturelle ou pas, la situation de « ceux d’en bas » ne s’améliore pas. Chômage élevé ou acceptation d’inégalités croissantes, de bas salaires et d’emplois fragmentés, telle est l’alternative que le capital leur présente. En France, selon l’INSEE, le nombre d’emplois créés en 2017 dans les entreprises seraient de 208 000 en 2017, soit un peu moins qu’en 2016, malgré les tombereaux d’argent du CICE et des baisses de cotisations employeurs. D’ailleurs, selon un rapport sur le CICE qui vient d’être publié par France stratégie, organisme dépendant du premier ministre, 100 000 emplois auraient été « sauvegardés ou créés sur la période 2013-2015 ». Et encore, la « fourchette » utilisée est « large » : de 10 000 à 200 000 emplois. Cela met l’emploi créé à un coût faramineux : beaucoup plus élevé que si des emplois utiles (dans les hôpitaux, les écoles,...) avaient directement été financés par l’État. En effet, au titre du CICE, les entreprises ont obtenu à ce jour 62,2 milliards de créances (qui se traduiront par des coûts pour l’État) au total (et le dispositif a couté 27,8 milliards pour les seules années 2014 et 2015) .
Mais de plus, en 2017, l’emploi total progresserait encore moins que l’emploi dans les entreprises avec les réductions d’emplois aidés (associations, accompagnement scolaire, etc.). Du coup, le taux de chômage calculé par l’INSEE serait de 9,4% à la fin de l’année (tandis que la précarité augmente). Quant au pouvoir d’achat des salariés, il ralentirait en 2017.
Dans un livre paru en septembre (« Les affligés du quinquennat »), l’éditorialiste ultralibéral du Point (et ancien du Monde) Pierre Antoine Delhommais, dénonce la « poutouisation » des esprits. Par là, il entend l’incompréhension de la prétendue vérité économique dont, lui, Delhommais serait un des interprètes les plus autorisés. En fait, si les esprits étaient suffisamment « poutouisés », la révolte se déchainerait contre l’absurdité d’un monde où, que la conjoncture économique soit bonne ou mauvaise, ce sont toujours les mêmes qui profitent.
Henri Wilno