La tragédie du crash de l’A320 vient nous rappeler la grève des pilotes d’Air France de ces derniers mois...
Pourtant c’est un autre débat que les médias mettent en avant, dans ce que le journal Libération appelle le « voyeurisme des médias», « dans une course à l’exclusivité sans précédent, donnant parfois l’impression de devancer les enquêteurs ». Il s’agit évidemment de l’acte incompréhensible, irrationnel, du co-pilote qui occasionne « volontairement » ce terrible événement. Il en résulte que « la folie » est convoquée à nouveau comme dangereuse.
Or un acte « fou » n’est pas en soi une maladie mais un geste aux causes multiples. La tuerie récente de Charlie en a montré sa possible logique « fanatique » du côté du religieux, et c’est d’ailleurs cette tentation qui est venue dans un premier temps à l’esprit des enquêteurs et des médias. Avec le « fou », le « terroriste » est convoqué. Cette piste ayant été rapidement abandonnée, la folie est restée et d’une certaine façon a apporté un soulagement de tristesse chez beaucoup de commentateurs.
Triste spectacle
C’est l’occasion de rappeler ici que la folie est une source exceptionnelle de dangerosité, et que les personnes malades psychiquement sont le plus souvent victimes que criminels. Cela permet de la préciser dans le cas où cela intervient. Nous avons donc assisté au triste spectacle de réactions d’experts-psychiatres qui tentent à partir des informations de presse de dresser un « profil » du co-pilote.
Or, outre le manque de scientificité de ce type de commentaire, c’est une position qui relève d’un manque d’éthique que de dégager un avis hors d’un suivi de la personne concernée. Dans ce cas, effectivement on sort du secret médical qui protège l’intimité du patient, ce qui nécessite la réquisition d’un juge à le demander. L’irrespect de l’intimité est une atteinte aux libertés d’être de chacun et ne peut se dérouler juridiquement que dans un débat contradictoire. Il y a donc bien « voyeurisme » à traiter de l’histoire d’une vie privée à l’étaler, à la traquer, à l’interpréter de façon abusive. On ne voit pas d’ailleurs en quoi cela réconforterait les familles des passagers-victimes de ce crash, bien au contraire elles ont besoin qu’on les « laisse en paix » dans leur deuil.
La direction se dédouane
Loin d’émettre ici un avis expert, il apparaît que ce co-pilote n’aurait pas dû être aux commandes, que des médecins du travail ont signalé des avis négatifs sans sortir du secret médical, et donc que la compagnie aérienne a passé outre. Elle cherche à s’en dédouaner en s’attaquant au secret médical, tentation que l’on retrouve actuellement dans nombre d’autres situations comme par exemple dans l’administration pénitentiaire française.
C’est là que nous retrouvons la question du « Low-Cost » comme affaire commerciale qui rogne pour sa rentabilité sur les conditions de travail, sur la limitation de la présence de deux pilotes dans le cockpit de l’appareil. En un mot, les conditions optimales de sécurité ne sont plus assurées. La véritable question de la maladie, celle des conditions de travail et des recrutements de pilotes est ainsi posée.
Jean-Pierre Martin