Isabelle : Si certains ont utilisé le vote Macron au deuxième tour par crainte de Le Pen, d’autres ne se sont même pas déplacés ou ont mis un bulletin Poutou, Mélenchon ou blanc dans l’urne. Les 11 millions de voix de Le Pen suscitent beaucoup d’inquiétudes.
Comment faire alors que les partis habituels sont discrédités ? Comment croire ceux qui se servent dans les caisses de l’État et ne se gênent pas pour nous demander de nous serrer la ceinture. Il n’y aurait pas assez de moyens pour la santé, un secteur où les conditions de travail se dégradent et poussent certains de nos collègues au burn-out, voire au suicide.
Les récentes luttes dans la santé (comme à la clinique de Tarbes), dans le secteur social ou dans les maisons de retraite, montrent la colère des collègues de ce secteur à 85 % constitué de femmes. Le sentiment de ne plus pouvoir soigner correctement les patientEs, les personnes âgées, alors que les profits explosent, révolte bien des collègues. Avec Macron, qui annonce déjà des baisses de cotisations sociales, beaucoup sont conscients que la situation ne pourra qu’empirer.
Mathieu : Côté Air France, la séquence sociale a été assez riche : grève importante le 5 octobre 2015 contre les licenciements (et deux patrons torse nu...), grève des pilotes puis des hôtesses à l’été suivant, mobilisation massive de l’industriel en décembre contre la filialisation, nouvelle grève des hôtesses début 2017… Si ces mouvements ont globalement fait reculer la direction, les mesures antisociales continuent.
Les licenciements ont été évités, mais il y a eu des suppressions de postes en pagaille. Les attaques continuent frontalement contre les hôtesses et stewards, et de façon plus diffuse pour les personnels au sol. Le dernier projet de la direction, la création d’une filiale low cost long courrier, qui fait maintenant l’unanimité syndicale contre lui, est pour le moment bloqué par les pilotes. Une intersyndicale large tient bon, mais on assiste à une forme d’attentisme chez les salariéEs. Le réveil pourrait venir avec l’annonce concrète de la création de la filiale.
Dans le secteur aérien plus largement, on sent un frémissement du côté des luttes. Des mouvements de grève boîte par boîte, souvent assez suivis, dans les différents secteurs : compagnies aériennes, sous-traitance aéroportuaire, sécurité, etc. Les revendications portent essentiellement sur l’emploi et les rémunérations.
Alice : Je dirais que les gens sont désabusés, un peu blasés… Ils n’ont globalement pas d’illusions et ne font aucune confiance aux dirigeants du pays pour améliorer leur situation. En même temps, ils ne voient pas comment faire autrement. Ni dans la boîte ni à l’extérieur.
CertainEs sont scandalisés par les affaires et révoltés par l’islamophobie, la répression des manifs, ou même par la « gestion » des salariéEs dans la boîte... Mais ça ne se concrétise pas en termes d’engagement syndical ou politique. Ils n’en voient pas l’utilité.
Il y a plein de choses qui pèsent : la précarité (presque 1/3 des salariéEs qui font la production sont intérimaires ou en CDD), les augmentations minables voire inexistantes des dernières années qui font trouver correct un + 2 % alors que l’activité n’a jamais été aussi forte dans la boîte, et bien sûr la défaite contre la loi travail qui s’ajoute à celle sur les retraites, etc.
Pourtant, nous avons connu des petites victoires locales grâce à la mobilisation. Les deux fois, il y a eu un déclic parce qu’il est apparu possible de gagner. Alors les salariéEs se sont mobilisés. C’est fou parce que, en tant que syndicat, tu as l’impression d’essayer de mobiliser une fois, deux fois, dix fois… et puis à un moment, tu ne sais pas pourquoi, ça part !
Laurent : Ils se sont massivement exprimés pour Mélenchon, donc ils sont forcément déçus, mais Macron, ils connaissent, ils subissent déjà sa politique à travers la loi qui porte son nom ! Il n’y aura pas de répit de part et d’autre car sa feuille de route est claire, contrairement à celle de Hollande, à savoir l’intensification des mesures prises par ce dernier en dépit des résistances et même si il en a finalement payé le prix fort en ne pouvant concourir à sa propre succession. Fait remarquable, les mobilisations, et pas uniquement défensives, n’ont pas marqué le pas en dépit de la période électorale, que ce soit celles de travailleurs ubérisés, de salariéEs de l’habillement confrontés aux restructurations massives dans ce secteur ou dans la restauration rapide.
On a aussi une hausse des adhésions mais également des demandes d’assistance, l’avers et le revers de l’application de la loi travail. Et les résistances des travailleurs de chez Whirlpool ou GM&S ne laissent pas indifférents, d’autant que notre structure, de taille moyenne, est confrontée à moins de trois PSE simultanément (CMG, KFC et Vélib’).