Publié le Mercredi 5 octobre 2016 à 08h28.

Sauver Alstom… ou sauver Hollande ?

Après de laborieuses tractations, le gouvernement a présenté son meccano politico-industriel censé assurer la pérennité du site de Belfort. Le seul objectif du gouvernement est de faire semblant d’être utile et efficace jusqu’aux prochaines échéances électorales...

Il s’agit au mieux d’accompagner la restructuration d’Alstom qui se soldera, dans quelques mois, non pas « seulement » par 400 suppressions de postes à Belfort... mais par des milliers de suppressions dans l’ensemble du groupe. Ainsi l'usine de Petite-Forêt près de Valenciennes (1 200 salariéEs) connait déjà des premières ­mesures de chômage partiel.

Invraisemblable mécano

L’État se propose d’acheter quinze TGV pour les lignes Intercités Bordeaux-Marseille et Montpellier-Perpignan et de confirmer la commande de trente trains Intercités avant la fin du mois. De plus, il lance immédiatement l’achat par SNCF-Mobilité de sixTGV pour la ligne Paris-Turin-­Milan. Et SNCF réseau achètera vingt locomotives diesel destinées au remorquage des trains en panne.

De son côté, Alstom s’engage à investir 30 millions d’euros pour le développement et la fabrication de locomotives hybrides ou diesel avec un financement complémentaire de l’État. Les collectivités locales appuieront Alstom qui investirait 5 millions d’euros pour la modernisation et l’accroissement d’activité des ateliers de maintenance de Belfort, avec 150 emplois supplémentaires à la clef. Alstom investirait également 5 millions d’euros pour préparer la diversification du site (bus électrique…). L’ensemble est censé préserver l’avenir des sites de Belfort, La Rochelle et Reichshoffen, dans l’attente du « TGV du futur » pour lequel Alstom et l’État ont prévu d’investir 30 millions d’euros d’ici 2018.

Ce plan de sauvetage concentre à peu près tous les défauts possibles. L’État et/ou la SNCF vont financer la pseudo sauvegarde d’un groupe industriel dont les choix ne sont guidés que par la recherche de profits attrayants au regard du secteur d’activité. Autant dire que contribuables et usagerEs vont payer les pots cassés par des actionnaires et des financiers peu intéressés au développement des transports collectifs. Le plan semble tellement être un rafistolage que personne n’imagine qu’il aille beaucoup plus loin que le mois d’avril 2017... Enfin, si hasardeux qu’ils soient, les choix industriels confortent le « tout TGV », même là où les lignes ne permettent pas de rouler à grande vitesse (!) ou sur des lignes socialement, économiquement ou écologiquement contestées comme la LGV Paris-Turin-Milan ou Paris-Bordeaux.

Construire la mobilisation pour sauver l’emploi

Ce pseudo-plan, trop électoraliste pour être honnête, ne saurait être la réponse à la liquidation du site de Belfort.

Dès le samedi 24 septembre, 7 000 personnes, salariéEs d’Alstom et de nombreuses entreprises de la région, des militantEs venus de Florange ou de PSA Mulhouse, des habitantEs de la région, avaient manifesté à Belfort. Avec une belle unanimité politique dans l’indignation devant la menace de liquidation d’un site industriel historique, emblématique, « fleuron » d’une région, de toute «l’industrie française »...

Le rassemblement devant le siège de Saint-Ouen mardi 27 septembre, fut, lui, bien plus modeste. Si, à l’appel des syndicats CGT, CFDT, FO et CGC, près de 300 salariéEs du site de Belfort avaient fait le déplacement par TGV spécial, ils n’avaient été rejoints que par quelques dizaines de salariéEs des sites de Valenciennes, La Rochelle, Le Creusot et Reichshoffen, pour un rassemblement qui regroupera au total 600 manifestantEs. Les discussions rendaient perceptibles angoisse et colère. Mais l’emballement médiatique et la multiplication des prises de position des partis politiques institutionnels, du gouvernement, engendraient plus de découragement, de colère, que d’encouragement à la mobilisation. L’histoire récente de Florange ou de PSA Aulnay décrédibilise totalement les paroles politiques.

Devant l’ampleur des tâches de construction du rapport de forces indispensable pour faire reculer la direction du groupe, les salariéEs paraissent attentistes. Celles et ceux des autres sites, comme celui de Reichshoffen, espèrent conserver leur travail, voire « récupérer » celui de Belfort. Et il y a toutes celles et ceux qui espèrent bien sauter dans le train d’une retraite anticipée...

On est bien dans une configuration où rien de durable ne peut être construit en respectant le cadre de l’économie de marché, cadre où les droits, les moyens de vivre des travailleurEs sont soumis à la rentabilité capitaliste. Le « minimum » syndical, revendicatif, ce serait l’expropriation des propriétaires d’Alstom, sans indemnités ni rachat, la réorganisation et le développement de la filière ferroviaire dans le cadre d’une priorité aux transports collectifs.

Un affrontement à construire en lien avec les autres mobilisations contre les plans de licenciements et contre la répression du ­mouvement social.