Une exposition du musée de la Vie romantique présentée au Petit-Palais rend aujourd’hui justice à un artiste capital, William Blake, longtemps méconnu en France, bien qu’il ait salué la Révolution française.
Une exposition du musée de la Vie romantique présentée au Petit-Palais rend aujourd’hui justice à un artiste capital, William Blake, longtemps méconnu en France, bien qu’il ait salué la Révolution française.
Ses positions paraissaient sans doute trop radicales… Intitulée « William Blake, le génie visionnaire du romantisme anglais », l’exposition, visible jusqu’au 28 juin, rassemble des œuvres provenant principalement de collections publiques britanniques et américaines, les musées français ne possédant rien d’équivalent.
Né en 1757 d’une famille d’artisans londoniens, Blake, entré en apprentissage à 14 ans, gagna (mal) sa vie comme graveur et ses créations consistent surtout en planches sorties de ses presses. Il en vendait fort peu, et ne cessait de les retoucher ou de les améliorer par tel nouveau procédé de son invention, techniques de la gravure sur bois appliquées au cuivre et réciproquement, typographies gravées en relief, tentatives d’impression en couleurs, « livres enluminés », premiers essais de la lithographie à peine née…
De son ingéniosité et de ses dons de graveur, de dessinateur et de coloriste, l’exposition et le catalogue (dû surtout à des spécialistes anglais) offrent des exemples saisissants, parfois d’une virtuosité inégalée à ce jour. Avec ses inventions et ses livres vendus à des prix extrêmement modiques, Blake souhaitait « apporter l*fart dans les maisons des gens ordinaires » (1793), ambition inséparable de ses convictions politiques et religieuses. Héritage de la période Cromwell, plus d’un siècle auparavant, son républicanisme (mal admis dans l’Angleterre de George III) le conduisait à des positions révolutionnaires radicales pour l’époque, et dont certaines seraient estimées libertaires aujourd’hui. « Puritain », il était ennemi de toutes les Églises constituées, partisan d’une libération des mœurs préfigurant l’amour libre, et ardent défenseur de l’égalité des sexes défendue par son amie Mary Wollstonecraft, « la mère du droit des femmes ». Elle le fréquentait en même temps qu’un petit cénacle qui ne venait pas voir seulement Blake le graveur ou le peintre, mais le poète et le prophète qu’il était aussi.
Les écrits de Blake (six volumes traduits en français !) sont peu séparables de ses œuvres graphiques, où texte et image se renforcent mutuellement. Jusqu’à sa mort en 1827, il y développa les mêmes oppositions entre l’humain et le surhumain, le minuscule et le gigantesque, pliant l’esthétique néoclassique aux forces du rêve, affirmant son antirationalisme et sa foi dans les capacités innées de l’être humain, la première étant l’imagination. Non sans contradictions ni développements théologiques qui l’ont fait traiter de fou, il a émis des prophéties restées parfois d’une étonnante actualité, dénonçant par exemple, dans sa critique de la royauté, la mise en place d’un empire universel entièrement livré au commerce et à l’exploitation.
En même temps que Blake, artiste génial, radical et issu du peuple, c’est l’émergence du romantisme révolutionnaire que cette exposition met en lumière.
Gilles Bounoure