Publié le Mercredi 20 novembre 2019 à 16h05.

De novembre à mars, et de mars à novembre : en lutte et en grève contre les violences et la précarité !

Les années féministes se suivent et ne se ressemblent pas. Cependant, deux grands rendez-vous de mobilisation sont devenus incontournables : le 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, et le 8 mars, journée internationale de lutte pour les droits des femmes.

Ces dernières années nous avons vu une augmentation extrêmement importante de la participation à ces deux journées. Les fait que ce soit concomitant met en évidence qu’il y a bien un lien entre les deux.

La précarité économique et les violences

La précarité économique des femmes est un facteur aggravant des violences puisque les victimes sont dépendantes de leur agresseur. Revenus inférieurs, précarité et temps partiel beaucoup plus fréquents, loyers exorbitants… constituent  un élément essentiel qui empêche matériellement les femmes de sortir de la spirale des violences. Et lorsqu’elles s’enfuient malgré tout du domicile conjugal, parfois avec leurs enfants, l’aide apportée par l’État est très insuffisante, notamment en matière de logement d’urgence. L’accès à l’emploi, l’interdiction des temps partiels imposés, l’égalité salariale, la régularisation de touTEs les migrantEs, la compensation du différentiel sur les pensions de retraite… sont des revendications essentielles.

Les violences sur les lieux de travail

Pris de l’autre côté, le lien entre violences et travail est net aussi : 5 % des viols (10 par jour) et 25 % des agressions sexuelles ont lieu sur les lieux de travail, une femme sur 5 a été victime de harcèlement sexuel au cours de sa vie professionnelle, 80 % des femmes salariées considèrent que dans le travail les femmes sont régulièrement confrontées à des attitudes ou comportements sexistes. Les rapports hiérarchiques, les tensions et le stress au travail sont des facteurs qui aggravent les violences. Les employeurs ont une responsabilité particulière dans la lutte contre les violences sexuelles et sexistes car ils ont l’obligation de garantir la santé et la sécurité des salariéEs. Aujourd’hui, aucune mesure coercitive n’est mise en œuvre pour obliger les entreprises à prendre des dispositions, notamment de prévention. Au contraire, faire reconnaître devant la justice des situations de harcèlement ou de violence reste un parcours de la combattante. Là encore, les moyens mis en œuvre par l’État sont plus qu’insuffisants : restriction des moyens d’action de l’inspection du travail, des prud’hommes, de la médecine du travail. L’Association européenne contre les violences faites aux femmes au travail (AVFT) est l’une des seules associations à intervenir sur ce sujet, et elle est tout simplement débordée par l’affluence des demandes.

La question de la grève

Ces sont les femmes d’Argentine qui ont porté massivement la question de la grève pour lutter contre les violences. Le mouvement a fait tache d’huile, du Mexique à l’Espagne, du Chili à la Belgique… La grève totale du travail salarié et reproductif permet de rendre visible tout ce travail gratuit, effectué essentiellement par les femmes dans le cadre de la famille : ménage, cuisine, courses, soins… Elle permet aussi de mesurer la place occupée par les femmes dans le travail salarié, qu’il soit productif ou de service, en particulier du care.

En arrêtant le travail, les femmes font la démonstration que la société ne peut tourner sans elles, que le système capitaliste et patriarcal repose entre autres sur la surexploitation des femmes et tout le travail fourni gratuitement pour permettre la reproduction de la force de travail.

Comme pour le reste du mouvement social, la grève est un outil essentiel du rapport de forces. Cette compréhension est en train de gagner progressivement le mouvement féministe. La grève des femmes ne pourra être massive comme en Espagne que si, d’une part, les femmes s’auto-organisent et que, d’autre part, le mouvement syndical et social global s’implique dans cette mobilisation. Les liens entre lutte des classes et lutte féministe sont essentiels pour la construction d’un mouvement de masse, pour gagner sur nos revendications sur tous les fronts.