En Amérique latine, une lame de fond féministe est en plein développement. Elle s’est construite ces dernières années dans la lutte contre les violences, en particulier les féminicides.
Du Mexique à l’Argentine
Au Mexique, dans les quartiers les plus pauvres des villes frontalières du Nord, les maquiladoras, complètement délaissés par les structures étatiques, les femmes ont été obligées de s’auto-organiser pour pouvoir se déplacer de leur domicile à leur lieu de travail en sécurité, pour gérer les enfants, etc. Elles ont dénoncé les violences qui maintiennent les femmes dans la terreur et l’isolement, et font d’elles une main-d’œuvre corvéable à merci au profit des multinationales présentes sur ces territoires. En parallèle, les femmes zapatistes sont à l’avant-garde en termes de revendications et d’initiatives : en mars 2018 elles ont organisé une rencontre internationale qui a réuni plus de 7 000 femmes.
En Argentine, la mobilisation massive contre les féminicides et les viols s’appuie sur une tradition ancrée dans la résistance à la dictature et notamment les mobilisations des mères de la place de Mai. En 2015, a lieu la première mobilisation massive autour du mot d’ordre « Ni Una Menos ». Quatre ans plus tard le mouvement n’a pas faibli, s’est emparé de la question de l’avortement et a obtenu une victoire partielle avec le vote de la Chambre des députés favorable à la légalisation de l’avortement. Mais, malgré la mobilisation de 2 millions de femmes, le Sénat n’a pas approuvé cette légalisation. La lutte se poursuit et est profondément ancrée, notamment chez les jeunes femmes, apportant un souffle nouveau à l’ensemble du mouvement social.
« Si les Argentines peuvent, nous pouvons aussi »
Ce mouvement fait tache d’huile, notamment via les réseaux sociaux, au Pérou, en Colombie, en Équateur, au Paraguay, au Costa Rica, au Venezuela... Au Guatemala, les femmes indigènes qui s’étaient organisées dans les années 1980 pour faire face aux viols utilisés comme arme de guerre, ont mis en évidence la recrudescence des féminicides dans les zones où les ressources naturelles présentent un enjeu économique majeur. Au Chili, un mouvement d’occupation d’université a eu lieu l’année dernière pour dénoncer le harcèlement sexuel et l’impunité dont bénéficient les agresseurs. Les femmes ont pour devise « Si les Argentines peuvent, nous pouvons aussi ». Inspirés par le foulard vert aux couleurs de l’Argentine, des foulards de diverses couleurs fleurissent et sont un symbole d’unité et de solidarité, pour se battre pour le droit à l’avortement.
Le mouvement des femmes se politise, se radicalise, intègre de nombreuses dimensions économiques, de genre bien sûr mais aussi anti-productivistes, écologistes, antiracistes, internationalistes, prenant en compte les problématiques des LGBTI... D’ailleurs, d’une certaine manière, le mouvement féministe a pris aujourd’hui le relais du mouvement altermondialiste en termes de solidarité et de mobilisation internationaliste. Ce mouvement s’affronte aux forces vives du capitalisme, représentées par les multinationales qui surexploitent les êtres humains (en particulier les femmes) et la planète. Il est profondément subversif et porte un espoir de transformation de la société dans la convergence avec les autres mouvements sociaux.
Au Brésil : les femmes comme rempart à l’extrême droite
En quelques années, la situation du Brésil a radicalement changé. L’expérience du budget participatif de Porto Allegre a laissé place aux pactes avec les classes dominantes, à la corruption massive touchant largement la gauche au pouvoir et à la crise économique. Dans ces conditions, la droite et l’extrême droite ont trouvé un terreau fertile pour le développement de leurs idées nauséabondes.
Les violences, de manière générale, et les violences contre les femmes en particulier, ont toujours été d’une ampleur dramatique dans ce pays, y compris les assassinats à motivation politique. En mars dernier, la mort de notre camarade Marielle Franco, militante du PSOL, afroféministe, lesbienne, issue des quartiers populaires et défenseure des plus démuniEs, annonçait malheureusement la suite des évènements. Dans les semaines précédant l’élection de Bolsonaro, encouragées par les discours ultra réactionnaires, les violences ont déferlé contre les gays et les lesbiennes, les femmes, les militantEs de gauche. Les positions et propos du président brésilien non seulement les légitiment mais les encouragent.
Au lendemain de l’assassinat de Marielle, des centaines de milliers de personnes s’étaient mobilisées pour réclamer justice et vérité. Avant l’élection puis dans l’entre-deux-tours, les femmes se sont de nouveau mobilisées massivement, réunies sous le hashtag #EleNão. Raciste, misogyne, nostalgique de la dictature, défenseur des riches : l’élection de Bolsonaro laisse présager le pire pour le Brésil. Sauf si un mouvement social massif, emmené par la mobilisation féministe et les salariéEs, venait contrecarrer les plans du camp des riches blancs cathos réactionnaires. Toute notre solidarité va aux militantEs et en particulier aux militantes qui résistent et luttent pour la défense des droits des femmes, des gays, des lesbiennes, des travailleurEs.