Traduction de Nino S.Dufour et Alejandra Soto Chacón. Éditions Cambourakis, poche, 2024, 13,50 euros.
En ces temps où Trump déporte massivement des immigréEs (en particulier latinx) et attaque de front les droits des femmes et des personnes LGBTI+, il convient plus que jamais de lire Gloria Anzaldúa.
Née en 1942 au Texas et morte en 2004, elle est la figure fondatrice du féminisme chicana aux États-Unis. Pionnière de la pensée queer, elle expose ses conceptions décoloniales dans cet ouvrage hybride, mélange d’essai et de poésies.
Jonglant entre l’anglais, les parlers espagnols ainsi que des mots de la langue indigène aztèque, Gloria Anzaldúa raconte la naissance de cette culture chicana comme « synthèse de l’ancien et du nouveau monde, […] des conquérants et des conquis ».
Elle l’illustre au travers de la figure de la Virgen de Guadalupe, qui n’est pas seulement la Vierge Marie, mais bien davantage « le symbole de l’identité ethnique et de la tolérance pour l’ambiguïté que les Chicanos-Mexicanos, peuple de race mélangée, peuple de sang indien, peuple qui traverse les cultures, possèdent par nécessité ».
L’autrice revient sur les crimes de la colonisation, les politiques discriminatoires aux USA, le combat pour la langue…
Elle cherche à faire comprendre l’existence de celleux qui vivent entre deux mondes, que ce soit les Chicanx dans un monde anglo-saxon et protestant, les lesbiennes face au système hétérosexuel ou encore les femmes dans cette culture chicana.
Ainsi la frontière ne sépare pas les territoires, mais au contraire, en crée de nouveaux : les Terres Frontalières ou Borderlands, qui imposent un autre rapport au monde, loin des identités figées et mortifères des extrêmes droites.
C’est un livre bouillonnant. Quant aux poèmes qui le composent, on aime à les picorer, l’un après l’autre, pour mieux se nourrir des images, des lumières, des sensations…
Sally Brina