Tous les ans nous sommes là : féministes et anticapitalistes, toujours. Et nous refaisons les mêmes constats : les inégalités de salaires, les conditions de travail, les tâches ménagères, etc.
Cette année a toutefois été un peu particulière, car un vent de révolte souffle contre les violences que nous subissons, que notre parole commence à se faire entendre. D’abord sur les réseaux sociaux, une déferlante de témoignages. C’est insupportable à lire même quand on savait déjà, surtout quand on savait déjà. D’autant plus que dans la même période la justice montre son vrai visage, sexiste, patriarcale, réactionnaire dans sa prise en charge du viol d’une fillette de 11 ans. D’autant plus que les médias continuent à traiter les féminicides comme des faits divers, des « crimes passionnels », trouvant toujours des excuses aux meurtriers. D’autant plus que des associations essentielles de soutien aux victimes comme l’AVFT sont débordées par les demandes faute de moyens suffisants.
Nous ne lâcherons rien, sur rien
Alors oui, nous devons encore prendre la parole et nous battre.
Nous devons nous battre pour que la question du consentement soit mise au centre des affaires de violences sexuelles. Nous réaffirmons que si ce n’est pas explicitement oui, alors c’est NON. Qu’à 11 ans on n’est pas consentante quand on a un rapport sexuel avec un homme de 28 ans, on est juste terrorisée, sidérée… Mais nous ne voulons pas non plus qu’on nous protège comme des petites choses fragiles. Oui, à 15 ans on peut avoir une sexualité, faire l’amour avec des filles ou des garçons, découvrir son corps et en jouir. Dans tous les cas, ce que nous voulons, c’est que notre corps nous appartienne et que personne n’en dispose sans notre consentement.
Nous devons nous battre contre cette société dans laquelle les meurtriers d’Alexia Daval ou de Marie Trintignant sont présentés comme des victimes. Notre combat principal est évidemment du côté des femmes victimes de violences : pour des solutions d’hébergement, l’augmentation des subventions aux associations, la formation de tous les personnels en contact avec les victimes (police, justice, santé…), une éducation non sexiste… Nous devons aussi nous questionner sur la justice que nous voulons : à quelle condition peut-on considérer qu’un agresseur a purgé sa peine ? Quand il a fait ce à quoi la justice l’a condamné ? Quand on sait que moins de 20 % des femmes agressées sexuellement portent plainte et que dans la plupart des cas cette plainte n’aboutit pas, on ne peut se contenter de cette réponse. Nous devons demander : cet homme violent, les hommes violents entendent-ils nos souffrances, comprennent-ils ce qu’ils ont fait, sommes-nous sûres d’être à présent en sécurité en leur présence ? Et cela aucune institution de cette société ne pourra nous le donner. C’est notre mouvement, celui des femmes, qui pourra l’imposer.
Nous ne lâcherons rien, sur rien !
Une seule solution : nous organiser, nous les femmes
Si la question des violences a pris le devant de la scène ces derniers mois, la bande dessinée d’Emma1
- 1. http://www.la-breche.com…] sur la « charge mentale » a aussi secoué fortement un certain nombre de couples hétérosexuels. De nombreuses femmes, qui ne se sentent pas spécialement féministes, se sont reconnues dans les textes et les images. C’est toujours désagréable de réaliser à quel point on est encore opprimées… Cette BD a eu le mérite de mettre des mots, à une large échelle, sur le vécu de la plupart des femmes, de diffuser une solidarité liée à un partage d’expériences. Reste à trouver les cadres pour construire nos revendications. La réduction du temps de travail paraît incontournable si l’on veut partager équitablement les tâches domestiques. Mais, comme le fait également Emma dans une autre BD, c’est aussi notre rapport au travail qui doit être questionné. Tous les emplois ne correspondent pas à des besoins et, au contraire, des besoins essentiels comme le droit à la santé, à l’éducation, à la prise en charge pour les personnes dépendantes ne sont pas satisfaits faute d’emplois affectés. La question du travail des femmes, qu’il soit dans le cadre du salariat ou domestique, permet de poser ces questions essentielles, de remettre en question la logique du système capitaliste… et d’imaginer la société que nous voulons : une société sans exploitation, sans oppressions, sans discriminations, dans laquelle nous consacrerions le temps nécessaire à la satisfaction des besoins de l’ensemble de la population et le reste à nous épanouir, en prenant le temps de le faire, dans le respect de la planète…
Pour tout cela, une seule solution : nous organiser, nous les femmes ! Pour élaborer nos revendications, choisir nos formes de lutte, nous lier au mouvement social sans perdre de vue les spécificités de notre combat. En premier lieu pour résister à la vague d’attaques orchestrées par le gouvernement Macron mais aussi pour rêver… plus loin.
Elsa Collonges