Lorsque Macron avait annoncé, le 25 novembre dernier (Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes), que l’égalité femmes-hommes serait une grande cause du quinquennat, on n’avait aucune illusion sur la réelle volonté d’agir du gouvernement. Mais à la lecture du projet de loi débattu à l’Assemblée en ce début de semaine, on est sûr qu’il sera non seulement inefficace mais également dangereux sur certains aspects.
Le point le plus inquiétant concerne le traitement des viols de mineurEs. Après avoir promis un âge minimum de non-consentement (point qui faisait par ailleurs débat), le gouvernement est revenu complètement en arrière. Le projet de loi est ainsi rédigé : « Lorsque les faits sont commis sur la personne d’un mineur de moins de 15 ans, la contrainte morale et la surprise sont caractérisées par l’abus de vulnérabilité de la victime ne disposant pas du discernement nécessaire pour consentir à ces actes ». Le texte ne fait donc que préciser des éléments permettant de caractériser la contrainte. Dans les faits, cela ne changera rien à la difficulté de faire la preuve du non-consentement de la victime, et cela n’apporte aucun élément permettant la prise en compte de la sidération psychique, c’est-à-dire que les victimes sont paralysées par la peur, et donc ne protestent pas, ne se débattent pas.
Minimiser la gravité des viols ?
Toujours concernant les mineurEs, l’augmentation de 5 ans à 10 ans de la peine pour atteinte sexuelle avec pénétration aura certainement des conséquences négatives : la difficulté à démontrer la contrainte encouragera les magistrats à préférer une condamnation pour « atteinte sexuelle » plutôt que de risquer que le viol ne soit pas reconnu. Au lieu de travailler à réformer la justice patriarcale, on va minimiser la gravité des viols, les traiter comme des délits et non comme des crimes. Une pétition en ligne lancée par 250 personnalités a déjà recueilli plus de 70 000 signatures pour réclamer la suppression de l’article incriminé1.
Par ailleurs, le projet de loi ne contient toujours aucune proposition pour lutter contre les violences sur les lieux de travail. Au contraire, le gouvernement essaye de saborder le travail irremplaçable mené jusqu’à présent par l’AVFT (Association de lutte contre les violences faites aux femmes au travail). Il a tout d’abord refusé d’augmenter les subventions versées à l’association alors que celle-ci s’est trouvée débordée par les demandes. Et il y a quelques jours, Marlène Schiappa a annoncé l’ouverture prochaine d’une permanence téléphonique gérée directement par le ministère du Travail, dont les personnels sont encore à former !2
Pour lutter réellement contre les violences sexistes et sexuelles, il faut de l’argent pour des logements permettant d’accueillir les femmes victimes de violences y compris avec leurs enfants, pour subventionner les associations d’aide aux victimes, pour former tous les personnels en contact avec les victimes (police, justice, santé, éducation…), pour mener des campagnes de sensibilisation massives, mettre en place une éducation non sexiste. La société et toutes ses institutions sont profondément sexistes et patriarcales, éradiquer les violences sexistes et sexuelles ne pourra se faire sans en changer radicalement.
Elsa Collonges