Publié le Dimanche 11 juillet 2010 à 23h19.

Afghanistan : le bourbier prévisible

La guerre sans fin en Afghanistan provoque une crise au sein même de l’armée américaine, poussant Obama à remplacer un général trop critique envers son administration. Le 23 juin, Obama limoge le général Stanley McChrystal, commandant de la Force internationale d’assistance à la sécurité (Fias), sous l’égide de l’Otan. Celui-ci avait donné une interview dans laquelle lui et ses soldats attaquaient l’administration américaine, notamment Obama et son vice-président Joe Biden. Ce qui est frappant dans cette interview, c’est la description qu’ils font de l’occupation de l’Afghanistan :« En juin, le nombre de soldats américains morts est passé à 1 000, et le nombre d’engins explosifs improvisés a doublé. Les dépenses de centaines de milliards de dollars dans le cinquième pays le plus pauvre de la planète n’ont pas réussi à rallier la population civile, dont l’attitude envers les troupes américaines varie de l’intense méfiance à l’hostilité ouverte. » « La plus grande opération militaire de l’année – une offensive féroce qui a commencé en février pour reprendre la ville méridionale de Marjah – continue de traîner en longueur », comparable à « un ulcère qui saigne ». « En juin, l’Afghanistan a officiellement dépassé le Vietnam comme la plus longue guerre de l’histoire américaine [...]. Le Président se retrouve coincé dans quelque chose d’encore plus fou qu’un bourbier [...] ».Le calendrier de retrait des troupes est ainsi en train de devenir une source croissante de conflits entre Obama et l’armée. Obama a remplacé McChrystal par son supérieur immédiat, le général David Petraeus. Ce dernier est le théoricien principal de la guerre anti-insurrectionnelle, ce que McChrystal a tenté en vain de mettre en œuvre. C’est donc sans surprise que quelques jours avant sa nomination, Petraeus a lui aussi clairement indiqué son scepticisme sur le calendrier d’Obama. Lors de sa campagne électorale, sous la pression de l’opinion publique, Obama s’était engagé à commencer à retirer les troupes d’ici l’été 2011. C’est aussi la raison pour laquelle en décembre 2009, malgré les pressions de l’armée qui réclamait des renforts, Obama décidait d’envoyer deux fois moins d’hommes que demandé, soit 30 000 soldats. À ce conflit entre l’armée et l’administration s’ajoute celui entre les administrations américaine et afghane. Dans le sud et l’est, les talibans contrôlent la plupart des villages, dans l’ouest et au nord, le gouvernement afghan a commencé à perdre le contrôle. Dans cette situation, Hamid Karzaï se désolidarise de plus en plus des États-Unis et il est actuellement en négociation avec les talibans dans la perspective de former un gouvernement de coalition. Dès juillet 2008, quand les bombardiers américains ont tué 80 Afghans, des femmes et des enfants pour la plupart, Karzaï avait déclaré à la presse que les forces de l’Otan ne devraient jamais être autorisées à bombarder à nouveau sans avoir clarifié les objectifs avec son gouvernement. Depuis, chaque massacre important de civils est décrié par un ministre du gouvernement à la télévision, et les Américains ont à rendre des comptes. Le dénouement de ces divisions dépend d’une force dont les intérêts sont différents : le mouvement de solidarité internationale des populations.En France, alors que le gouvernement martèle la nécessité de mesures d’austéritésbudgétaire contre les déficits publics, il s’entête dans une guerre en Afghanistan qui coûte un million d’euros chaque jour. Or, selon un sondage BVA réalisé au début de l’année, 56 % de la population souhaite un retrait des troupes, et 85 % pensent que la situation en Afghanistan se détériore. Nous devons amplifier les mobilisations pour exiger le retrait immédiat des troupes d’Afghanistan.Vanina Guidicelli