La vague de xénophobie qui frappe l’Afrique du Sud révèle de manière dramatique la situation sociale du pays engendrée par la politique néolibérale du gouvernement.
Ce n’est pas la première fois que l’Afrique du Sud connaît des violences xénophobes. Déjà en mai 2008 dans la capitale économique Johannesburg, des violences similaires avaient éclaté faisant 62 mortEs, des nombreux blesséEs, et provoqué le déplacement de 100 000 personnes. Et régulièrement des violences racistes sont enregistrées contre les populations originaires des pays voisins comme le Zimbabwe, le Malawi, le Mozambique ou la Zambie.
Aujourd’hui ces violences ont éclaté dans les townships de Durban, le principal port du pays. Elles viennent après les déclarations du mois de mars de Goodwill Zwelithini, roi des Zoulous, très écouté dans la région du KwaZulu-Natal où précisément se situe Durban, affirmant que les étrangers devaient « faire leurs bagages et quitter » le pays...
Lui emboîtant le pas, quelques jours plus tard, Edward Zuma, le fils du président, se disait persuadé dans une interview que les étrangers représentaient une véritable « bombe à retardement » et de préciser sa pensée : « Nous ne pouvons écarter la possibilité d’un coup d’État dans le futur. Le gouvernement doit expulser les illégaux ». Rien de moins !
Quant au secrétaire de l’ANC, Gwede Mantashe, l’organisation politique qui dirige le pays, il n’a rien trouvé de mieux que de proposer de « regrouper les étrangers dans des camps pour les recenser. »
La politique du bouc émissaire...
Pourtant, en menant une politique libérale largement tournée contre les intérêts des travailleurs et des populations, c’est bien l’ANC qui a créé ce climat malsain. Quelles que soient les latitudes, les recettes libérales produisent les mêmes dégâts sociaux, et les élites utilisent les mêmes combines en détournant le mécontentement contre les populations les plus précaires. Elles confortent l’idée que les étrangers sont vus comme des concurrents au niveau de l’emploi, accusés d’accepter des salaires bien plus bas que ceux des nationaux, ou de brader les prix dans leurs petits commerces.
Dans le même temps, on assiste à l’émergence d’une bourgeoisie noire issue de l’ANC qui profite largement du « Black Economic Empowerment », favorisant son insertion dans les directions des grandes entreprises. On ne compte plus les scandales révélés par la presse concernant le gaspillage d’argent et le comportement bling-bling des élites du pays. La corruption se généralise. Ainsi, 15 millions d’euros d’argent public ont été détournés pour une rénovation luxueuse de la résidence privée de Jacob Zuma... dans un pays où des millions de personnes continuent de vivre dans des bidonvilles insalubres.
Face à l’approfondissement de la politique libérale de l’ANC soutenue par le SACP (le Parti communiste sud-africain) et la principale confédération syndicale, le Cosatu, une recomposition politique s’opère à gauche, à partir notamment du puissant syndicat de la métallurgie, le Numsa, qui compte plus de 350 000 membres et qui construit l’United Front. L’objectif est la création d’un parti défendant les intérêts des travailleurEs, capable d’unifier les nombreuses luttes qui se déroulent dans le pays.
L’espoir réside dans cette nouvelle offre politique qui concourt à empêcher que les populations ne s’engouffrent dans une impasse tragique.
Paul Martial