Publié le Jeudi 3 mai 2018 à 11h21.

Afrique du Sud, présidence Ramaphosa : une rupture ?

Nous publions des extraits d’un éditorial de l’Alternative Information and Development Center, organisme sud-africain, créé en 1996, spécialisé dans les questions de développement, d’environnement et de justice sociale (traduction JS).

Le nouveau président sud-africain, Cyril Ramaphosa, est allé au contact du peuple à l’occasion de bains de foule matinaux dans les townships de Johannesburg et du Cap. Une pratique qui n’était pas celle de son prédécesseur évincé, Jacob Zuma. Assistons-nous à un réel changement de direction de l’ANC, ou s’agit-il d’une simple transformation cosmétique ? L’intense bataille de factions au sein de l’ANC n’était-elle qu’une prise de bec entre deux factions du capital, qui ne concerne pas les classes populaires ? […] Les questions sont multiples à l’occasion des premières semaines de la présidence de Ramaphosa. Mais elles tendent à se réduire à une seule question globale : y a-t-il vraiment un quelconque changement ? 

Continuité économique

La situation de crise structurelle de l’économie sud-africaine ne changera pas fondamentalement avec la présidence Ramaphosa. Ce dernier a clairement annoncé qu’il était fermement attaché au vieux complexe « minéraux--énergie-finance ». Gagner des dollars en extrayant des minéraux du sol et en les exportant.

Cette stratégie a échoué au cours des 25 dernières années. Lorsque le secteur des matières premières est au plus haut, les actionnaires se remplissent les poches. Lorsqu’il est au plus bas, les travailleurs contractuels perdent leur emploi, et les emplois « permanents » diminuent, en attendant une prochaine amélioration. […] Ce n’est pas une stratégie pour créer des millions d’emplois. Et nous avons besoin de millions d’emplois. 

En outre, cette stratégie rend l’économie sud-africaine extrêmement vulnérable aux aléas de l’économie mondialisée, elle-même confrontée à de profonds problèmes structurels et peut-être à l’aube d’une nouvelle guerre commerciale. […] 

Austérité

Le récent budget, présenté quelques jours après l’investiture, témoigne [certes] de changements – mais pour le pire. Il s’agit essentiellement d’un budget d’austérité. Et l’austérité signifie une chose : une offensive contre les conditions de vie de la classe ouvrière et des pauvres. Ce ne sont pas les classes moyennes et les riches qui sont les principaux bénéficiaires du secteur public. Par exemple, l’industrie de l’enseignement privé se développe à vitesse grand V en Afrique du Sud, et l’un des groupes, Spark Schools, revendique maintenant d’offrir un enseignement privé moins cher que les écoles payantes du secteur public. […]

Le seul changement sera une tentative d’améliorer les services étatiques et paraétatiques, notamment en direction des industries d’extraction. Ramaphosa a gagné des milliards grâce à ses actifs miniers. C’est pourquoi, en tant que représentant du capital extractif, il souhaite une électricité bon marché pour ses mines. Il veut également des services ferroviaires et -portuaires efficaces et bon marché pour acheminer les minéraux sur des bateaux et à l’étranger. Pour le dire crûment, la faction de Zuma gagnait son argent en pillant les entreprises publiques, et la faction de Ramaphosa gagne le sien en les utilisant le plus efficacement possible. […] 

Nous devons continuer à construire un mouvement populaire pour une alternative stratégique viable, fondée sur une transition vers des énergies renouvelables et socialisées, et sur le droit des communautés locales à dire non à l’extractivisme. 

Version intégrale (en anglais) sur http://aidc.org.za/ramaphosa-implications-left/