Publié le Vendredi 5 octobre 2012 à 12h04.

Après le 25 septembre :Tout est possible dans l’État espagnol

Les mobilisations vécues ces derniers jours à Madrid, et dans une moindre mesure dans d’autres villes du pays, ont spectaculairement gonflé le moral du mouvement de résistance anti-austérité.Le mouvement de résistance espagnol avait annoncé un « automne chaud » après la grande manifestation syndicale du 15 septembre. Cette dernière avait été assez loin d’atteindre l’objectif initial d’un million de personnes, et ses répercussions étaient restées faibles du fait de l’absence d’un plan de lutte conséquent des directions des syndicats Commissions ouvrières et UGT.Avant l’été, dans des cercles proches du Mouvement 15-M (le « mouvement des IndignéEs » lancé à la suite des manifestations du 15 mai 2011) et des secteurs de « Démocratie réelle maintenant », avait surgi l’idée d’« occuper le Parlement » le 25 septembre, en organisant devant lui un rassemblement permanent jusqu’à la démission des députés et le lancement d’un processus constituant. Un tel objectif était évidemment trop ambitieux, voire irréel, mais l’idée d’encercler le Parlement avait été reprise par d’autres secteurs du 15-M et des mouvements sociaux radicaux, qui formèrent alors la « Coordination 25-S » et donnèrent à l’initiative un contenu plus raisonnable, sans cesser pour autant d’exiger la démission du gouvernement Rajoy et l’organisation d’un processus démocratique afin de rédiger une nouvelle Constitution.Non sans polémiques entre différents secteurs de la gauche sociale et politique à propos du choix du lieu – le Parlement, un site symbolique de la finance ou encore la résidence de Rajoy –, on s’est acheminé vers le 25 septembre dans le cadre de grandes incertitudes quant à la participation. Mais les doutes ont vite été levés, quand près de 50 000 personnes ont bouché les accès à la chambre des députés. Les violentes charges policières, la répression qui ont fait la une de toute la presse internationale, ont montré que le gouvernement avait été réellement atteint par la manifestation. Les images du Parlement encerclé par cette multitude, des députés s’échappant en douce vers minuit, des visages ensanglantés de dizaines de manifestants durement frappés par la police anti-émeute, sont symptomatiques de la situation d’ébullition sociale de l’État espagnol.Il y avait des gens de tous les âges mais les participants étaient majoritairement des jeunes, de cette génération qui subit plus de 50 % de chômage. La férocité de la répression a conduit la Coordination du 25-S à appeler à manifester de nouveau devant le Parlement, le lendemain puis le samedi 29, afin de continuer à exiger la démission du gouvernement. Si quelque 4 000 personnes ont été présentes le mercredi 26, c’est à nouveau une masse de 50 000 qui s’est concentrée le 29, alors même que cette fois le rassemblement n’était pas autorisé et que le dispositif policier, après les matraquages et arrestations du 25, était très intimidant. Cela n’a pas empêché pas une nouvelle marée humaine d’affluer sur la place de Neptune, le lieu le plus proche du Parlement où elle a pu accéder.Dès la fin août, il a été très clair pour Izquierda anticapitalista (IA) que cette initiative, qui offrait une possibilité de continuer à affaiblir le régime issu de la transition post-franquiste, devait être soutenue. Nous avons été des premières organisations politiques à la soutenir publiquement sur le terrain et nous sommes présents dans la Coordination 25-S, devenue maintenant l’un des acteurs sociaux les plus importants du pays, afin de continuer à encourager le combat social face à l’incroyable apathie des directions syndicales majoritaires (Commissions ouvrières et UGT).La Coordination du 25-S a d’ores et déjà appelé à faire le siège du Parlement trois jours de suite, les 23, 24 et 25 octobre, lors de l’examen du budget général qui comporte des coupes très dures dans tous ses chapitres sociaux. Le but est d’empêcher les députés d’entrer pour voter un tel crime contre les services publics. La radicalisation croît dans l’État espagnol. Le très prévisible « plan de sauvetage » de l’économie, avec le mémorandum qui ira avec, fait que tout devient possible.Raúl Camargo (Militant d’Izquierda anticapitalista, Madrid)Traduction : Jean-Philippe Divès