Coup après coup, les pièces du grand jeu de go est-asiatique se mettent en place...
Qui encercle qui ? Grâce à sa Navale, Pékin a pris possession d’archipels ou de récifs revendiqués par d’autres pays riverains, et se projette bien au-delà. La superpuissance étatsunienne consolide ses alliances, anciennes ou nouvelles, sur le pourtour de la mer dite de Chine. Au cœur même du « tablier », le goban où les joueurs placent leurs jetons, le contrôle du PCC sur le territoire taïwanais est menacé.
Tsai à Taïwan
Le Kuomintang (KMT) a perdu les élections du 16 mai dernier au profit du Parti progressiste démocratique (DPP) et de Tsai Ing-Wen, sa candidate à la présidence. Le coup est dur pour Pékin. Ancien ennemi juré du PCC, le KMT avait finalement noué une alliance entre « bureaucraties capitalistes », assurant au régime chinois une influence majeure sur l’île. La victoire de Tsai exprime un rejet de cette mise sous tutelle. La « terreur blanche » longtemps exercée à l’encontre de la population autochtone par le régime « immigré » du Kuomintang (il fut chassé du continent par la révolution maoïste) est dorénavant officiellement dénoncée.La nouvelle présidente n’a pas repris à son compte le « consensus de 1992 » selon lequel il n’y aurait qu’une seule Chine – divisée – que chaque gouvernement prétendait représenter en totalité. Vu le rapprochement KMT-PCC, ce consensus annonçait aux yeux de nombreux Taïwanais une réunification à l’avantage de Pékin. En filigrane, les élections du 16 mai annoncent le choix d’« Une Chine – un Taïwan ». Inacceptable pour le PCC qui, en guise d’avertissement, mène des exercices militaires dans le sud-est du pays et rompt la trêve diplomatique, nouant avec la Gambie des relations diplomatiques exclusives.
Obama au Viêtnam
Quarante et un ans après la victoire vietnamienne de 1975, un lent et tardif processus de normalisation des rapports entre Washington et Hanoï s’achève. À l’occasion d’une visite de quatre jours, commencée le 22 mai, Barack Obama a annoncé la levée de l’embargo américain sur les ventes d’armes au Viêtnam. L’embargo économique avait été levé en 1994 et les relations diplomatiques rétablies en 1995.Or, le Viêtnam est le seul pays d’Asie du Sud-Est qui conteste « physiquement » la main mise de Pékin sur les archipels Spratleys et Paracels, une confrontation inégale où ses navires de guerre sont menacés d’être « malencontreusement » coulés.
Hong Kong et Philippines
À Hong Kong, l’étouffement de la « révolte démocratique des parapluies » a ouvert un espace qu’une droite indépendantiste tente aujourd’hui d’occuper, surfant notamment sur le rejet des immigrés venus du continent. Aux Philippines, le nouveau président Duterte a annoncé qu’il ferait un casus belli de l’occupation par l’armée chinoise du récif de Scarborough, au large de Palawan. Tout en défendant le principe d’un État fédéral, il s’affiche nationaliste et cherchera probablement à mener une diplomatie agressive.Dans l’ensemble, la situation reste telle qu’elle est... Politiquement, Washington ne peut pas chasser l’armée chinoise des îlots qu’elle occupe. Mais Pékin ne peut pas empêcher la viie Flotte de cingler dans des eaux qu’elle proclame relever de sa souveraineté exclusive. Cependant, dans ce contexte très tendu, il n’est pas rare que des avions de combat ou des navires de guerre se coupent la route, au risque d’un accident aux implications difficiles à prévoir.
Pierre Rousset