Pour la Convention de la société civile ivoirienne, seule l’organisation de nouvelles élections pourrait sortir le pays du bourbier actuel. Laurent Gbagbo et Alassane Ouattara ont été déclarés tous les deux vainqueurs de l’élection présidentielle ivoirienne du 28 novembre 2010, l’un par le Conseil constitutionnel, l’autre par la Commission électorale. La Côte d’Ivoire est un des pays les plus riches de la sous-région (35 % du total du PIB de la Cedeao) et la crise qu’elle traverse depuis maintenant une bonne décennie est un facteur de déstabilisation, avec des conséquences économiques importantes. Élu en 2000, Laurent Gbagbo a maintenu et développé, derrière une rhétorique anti-impérialisme français de façade, d’étroites relations politico-économiques avec l’ancienne puissance coloniale au travers de ses propres réseaux françafricains. Alassane Ouattara, ex-Premier ministre du président Houphouët Boigny qui a dirigé le pays de l’indépendance jusqu’à sa mort en 1993, et ex-directeur adjoint du FMI, a l’avantage, du point de vue des grandes puissances occidentales, d’avoir fait ses armes auprès des cercles dirigeants de l’impérialisme qui le jugent certainement plus aux normes. Alors, pro-Gbagbo ou pro-Ouattara ? Entre les deux, il faudrait, semble-t-il, choisir impérativement son camp. Les opinions sont très partagées, et les débats, entre IvoirienNEs et AfricainEs notamment, sont souvent houleux. En fait, la première question à laquelle il faudrait s’efforcer de répondre c’est plutôt celle de savoir qui, de Gbagbo ou Ouattara, a réellement gagné les élections. Or, c’est la seule question à laquelle on a refusé d’apporter une réponse incontestable, y compris la communauté internationale. Au lieu de quoi, sont brandis par les uns la menace d’une intervention militaire pour déloger Gbagbo, et par d’autres celle d’une extraction forcée d’Alassane Ouattara de l’hôtel où il s’est retiré, avec, dans les deux cas, l’acceptation implicite que la population, qui subira immanquablement les effets désastreux de toute intervention violente dans le conflit, sera comptée parmi les inévitables « dégâts collatéraux ». Pourtant, d’autres propositions existent, émanant notamment de la société civile ivoirienne organisée. Ainsi, par exemple, lors de sa récente deuxième convention générale, la Convention de la société civile ivoirienne (CSCI), qui regroupe une centaine d’organisations nationales (centrales syndicales, ONG, partis politiques, chefferies traditionnelles, organisations religieuses), et qui avait pour sa part reconnu la victoire de Ouattara, a néanmoins appelé les deux protagonistes à adresser des messages d’apaisement à leurs militantEs, s’est opposée au recours à toute intervention armée pour le règlement de la crise, et a proposé comme principale revendication la réorganisation du scrutin pour conférer une légitimité incontestable au futur président. Dans l’impasse dans laquelle se trouve aujourd’hui la Côte d’Ivoire, avec la mare aux caïmans politiciens (locaux ou internationaux) qui prennent en tenaille tout un peuple, la société civile ivoirienne devrait être écoutée plus attentivement. Groupe de travail « Afriques » du NPA.