L’exclusion des principaux candidats de l’opposition de l’élection présidentielle ivoirienne du 25 octobre jette une ombre sur le scrutin et alimente le risque de violences politiques dans un pays marqué par une longue histoire de crises électorales.
Depuis une trentaine d’années, les élections présidentielles en Côte d’Ivoire sont à l’origine de graves tensions politiques ayant débouché sur des violences, comme lors du scrutin de 2020 où plus de 85 personnes ont été tuées, sans compter les centaines de blessés. Les élections du 25 octobre prochain ne semblent pas, hélas, échapper à la règle.
L’opposition mise hors jeu
L’élément majeur de la crise est l’exclusion de la liste électorale, pour des motifs divers, de candidats comme Charles Blé Goudé, ancien ministre de la Jeunesse, Guillaume Soro, ex-Premier ministre, et surtout les deux principaux opposants : l’homme d’affaires Tidjane Thiam du Parti démocratique de la Côte d’Ivoire (PDCI) et l’ancien président Laurent Gbagbo, dirigeant du Parti des peuples africains (PPA-CI). Ces interdictions de se présenter retirent toute crédibilité au scrutin et pourraient générer des tensions politiques, aggravées par les dimensions communautaires liées à l’implantation de ces dirigeants dans leurs fiefs régionaux. Cette fragilité du processus électoral s’explique aussi par d’autres griefs : le quatrième mandat du président actuel, Alassane Ouattara, rendu possible par le changement constitutionnel du 30 octobre 2016 qu’il a initié pour contourner l’interdiction de plus de deux mandats successifs ; une liste électorale de huit millions de personnes sur un total de plus de douze millions de votants potentiels ; une Commission électorale indépendante décriée ; une justice considérée comme aux ordres du pouvoir.
Mobilisation pour l’inclusion électorale
Les premières protestations ont eu lieu le 9 août à Abidjan, la capitale, où des milliers de manifestantEs, essentiellement du PDCI et du PPA-CI, sont descendus dans la rue. Ce succès va probablement encourager les opposantEs à maintenir la pression. D’autant qu’une organisation comme le PDCI, fondé par Houphouët-Boigny, qui a dirigé la Côte d’Ivoire pendant plus de trois décennies, bénéficie d’un fort enracinement à travers le pays. En face, le pouvoir, comme à son habitude, va passer outre et ne prendra pas le risque d’une ouverture politique débouchant sur un cadre électoral inclusif. Fort de son succès économique, certes réel mais très inégalitaire, avec une inflation, un chômage et une faiblesse des infrastructures de santé persistants, Alassane Ouattara opte pour le passage en force. Pour ces élections, les moyens de l’État seront mobilisés pour sa campagne. Déjà, une vague répressive s’abat sur les opposantEs, notamment ceux du PPA-CI, particulièrement visés. Ainsi, des cadres de ce parti comme l’ancien ministre de la Défense Moïse Lida Kouassi ou l’ex-ambassadeur Boubacar Koné sont en garde à vue. En Côte d’Ivoire, comme dans la plupart des pays d’Afrique, les élections n’ont qu’une seule finalité : la conservation d’un pouvoir autoritaire sous un vernis démocratique.
Paul Martial